Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2016, et un mémoire enregistré le 7 octobre 2016, M. et Mme C...D..., représentés par MeG..., agissant à titre personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants : Belhassen etB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 16 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à titre de provision :
- la somme de 34 480 euros à M. B...D..., majorée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête en référé devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
- la somme de 15 000 euros à Mme A...D..., majorée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête en référé devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
- la somme de 15 000 euros à M. C...D..., majorée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête en référé devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
- la somme de 5 000 euros à M. F...D..., majorée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête en référé devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville le versement de la somme de 1 500 euros à Me G...en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Ils soutiennent que :
- leur fils B...a été victime à sa naissance d'une paralysie obstétricale du plexus brachial droit
- leur fils souffre encore aujourd'hui de nombreuses séquelles ;
- les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Lorraine ont relevé que la paralysie obstétricale du plexus brachial dont souffre B...est une complication exceptionnelle d'une dystocie des épaules liée à la macrosomie retrouvée chez l'enfant ;
- les experts n'ont pas relevé de manquements dans la prise en charge de la dystocie des épaules, mais ont considéré que le suivi de la grossesse de Mme D...n'a pas été conforme aux règles de l'art dans la mesure où celle-ci n'a bénéficié d'aucun dépistage du diabète gestationnel ;
- la CCI a reconnu une prise en charge fautive du suivi de la grossesse de Mme D...de la part du centre hospitalier ;
- les préjudices subis par le jeune B...sont tous imputables de manière directe et certaine à la lésion obstétricale du plexus brachial et le manquement dans le suivi de la grossesse doit être considéré comme une cause certaine et déterminante de cette lésion ;
- les experts, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, se sont bien situés à l'époque des faits pour établir leurs conclusions ;
- les arguments soulevés par le centre hospitalier ne présentent pas le caractère sérieux justifiant le rejet de leur demande de provision ;
- depuis sa naissance, B...et sa famille subissent des préjudices incontestables ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par MeE..., demande à la Cour de rejeter la requête de M. et MmeD....
Il soutient que :
- le juge des référés est tenu de vérifier le caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont se prévaut le requérant ;
- l'appréciation du comportement fautif par un expert exige un examen rétrospectif : l'expert doit se replacer au moment où les faits ont été commis et apprécier les règles de l'art en vigueur à l'époque où ces mêmes faits ont été commis ;
- les conclusions des experts, en l'espèce, ne peuvent être retenues dès lors qu'elles ne se fondent pas sur des règles en vigueur en 2002 ;
- les experts désignés par la CCI ont fondé leur analyse, quant au diabète gestationnel, sur une documentation médicale et scientifique postérieure à la date des faits ;
- les références du diabète gestationnel avait été fixée, en 2002, à 1,26 g/litre ;
- le seul fait de mesurer la glycémie à jeun était considéré comme suffisant ;
- le suivi de la grossesse de Mme D...a été conforme aux règles de l'art en vigueur à l'époque des faits ;
- les considérations qui précèdent sont de nature à rendre sérieusement contestable l'obligation dont cherchent à se prévaloir les requérants ;
Par un courrier enregistré le 26 septembre 2016, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France a informé la Cour qu'elle n'interviendrait pas dans la présente instance.
Mme A...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance par une décision du 10 octobre 2016 du président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Lorraine, que Mme D...a été admise au centre hospitalier de Metz-Thionville, où elle avait été suivie durant sa grossesse, pour y donner naissance le 26 janvier 2003, au jeune B...pesant alors 4,150 kilos. Lors de l'accouchement, une dystocie des épaules a été immédiatement constatée alors que la tête de l'enfant était déjà engagée. Des manoeuvres immédiates ont permis à l'enfant de naître rapidement. Si le jeune B...a présenté immédiatement une bonne adaptation à la vie extra-utérine, une paralysie obstétricale du plexus brachial droit a toutefois été diagnostiquée. A la suite du rejet par le centre hospitalier de Metz-Thionville, le 6 novembre 2015, de leur demande d'indemnisation en réparation des préjudices liés aux conditions de la naissance de leur fils, M. et Mme D...ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'un recours de plein contentieux et le juge des référés de ce tribunal d'une demande tendant à condamner le centre hospitalier à leur verser une provision à valoir sur la réparation des préjudices qu'ils ont subis, ainsi que leurs deux enfants. Ils interjettent appel de l'ordonnance du 16 août 2016 rejetant cette dernière demande.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. Les épouxD..., qui ne contestent pas que la prise en charge du jeune B...par l'équipe médicale lors de la constatation de la dystocie des épaules a été conforme aux règles de l'art, font valoir que le suivi de la grossesse de Mme D...n'aurait, quant à lui, pas été conforme aux règles l'art en raison de l'absence de dépistage du diabète gestationnel chez l'intéressée, ce qui aurait permis de diminuer le risque d'avoir un enfant macrosome. Toutefois, il résulte de l'instruction que la mesure de glycémie à jeun effectuée le 28 octobre 2002 a montré un diabète gestationnel à 0,86 g/litre et que l'échographie du 3ème trimestre n'a pas révélé de macrosomie de l'enfant. Ces éléments, chez une patiente, alors âgée de 34 ans, ayant un " body mass index " normal et qui avait accouché sans difficulté, en 1998, d'un premier enfant après une grossesse non compliquée d'un diabète gestationnel, et alors même que sa propre mère était porteuse d'un diabète non insulino dépendant, n'étaient pas de nature à suspecter une macrosomie et rendre prévisible une dystocie des épaules compliquée d'une paralysie du plexus brachial, qui est un événement très rare. Les mesures prises durant le suivi de la grossesse de Mme D...doivent, dès lors, être regardées, en l'état de l'instruction, comme suffisantes.
4. En outre, l'interprétation portant sur les règles applicables à l'époque des faits en matière de suivi du diabète gestationnel, qui oppose les parties, notamment au regard des références bibliographiques auxquelles elles se réfèrent, constitue une difficulté ne permettant pas d'établir avec un degré suffisant de certitude, au sens décrit au point 2, le caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont se prévalent les épouxD....
5. Il résulte de ce qui précède que les époux D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives ne peuvent qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La requête des époux D...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme C...D..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France
Fait à Nancy, le 19 décembre 2016.
La présidente de la Cour
Signé :
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé,, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
Le Greffier,
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16NC01993