Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2019, sous le n°19NC00232, M. E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation particulière avant de refuser le renouvellement de son titre de séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme C..., présidente-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien, est, selon ses déclarations, entré en France en 2012. Il s'est vu délivrer, en raison de son état de santé, un certificat de résidence régulièrement renouvelé du 1er septembre 2014 jusqu'au 9 septembre 2017. M. D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 18 juillet 2017. Par arrêté du 26 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai. M. D... relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. Il ne résulte ni des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, il ressort des pièces que le médecin ayant établi le 25 septembre 2017 le rapport médical visé aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII signataires de cet avis. En conséquence, l'avis sur lequel s'est prononcé le préfet a été émis par un collège de médecins de l'OFII régulièrement composé. La circonstance que l'appelant n'ait pas été informé du nom du médecin rapporteur de son dossier devant le collège de médecins est sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être accueilli.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de refuser le renouvellement de son titre de séjour.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. D... en sa qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 22 octobre 2017. Or, il résulte de cet avis que, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de l'Algérie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si le requérant fait valoir qu'il souffre d'un diabète de type 2 insulino-dépendant et d'une pathologie cardiovasculaire et qu'il bénéficie en France d'un traitement qui ne serait pas disponible en Algérie, il se borne à produire essentiellement des articles de presse généraux dont il ressort seulement que certains médicaments seraient en rupture de stock dans son pays d'origine. Ces pièces ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité administrative quant à la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et à la capacité de l'étranger à voyager sans risque. En outre, si le requérant soutient qu'il doit être opéré d'une hernie inguinale et faire l'objet d'un pontage, il n'allègue pas que ces interventions ne pourraient pas être réalisées en Algérie. Enfin, la circonstance que M. D... a été admis à séjourner en France pendant trois années à raison de son état de santé est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. D... se prévaut de la présence en France de son épouse et de son fils adoptif, qui est tétraplégique. Il fait aussi valoir qu'un de ses fils, chez lequel il est hébergé, a la nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident trois de ses fils ainsi que ses cinq frères et soeurs. De plus, il est constant que M. D... vit séparé depuis des années de son épouse et de son fils adoptif. Enfin, le requérant ne fait état d'aucun élément permettant d'apprécier la nécessité pour lui de demeurer auprès de son fils majeur. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Si M. D... soutient que sa présence auprès de son fils adoptif serait indispensable, il ressort des pièces du dossier que le requérant vit dans une ville différente que celle dans laquelle réside son fils adoptif. Par ailleurs, il ne démontre ni entretenir avec ce dernier une relation d'une particulière intensité, ni subvenir, même partiellement, à ses besoins. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français
9. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination
12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si M. D... affirme qu'il serait exposé à des risques de torture et de peines ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations citées ci-dessus doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est fondé à demander ni l'annulation du jugement du 3 octobre 2018 ni celle de l'arrêté du 26 janvier 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 19NC00232