Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 avril 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2018 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2018 par lequel le préfet de la Moselle l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour et subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ; il n'est pas démontré que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; par ailleurs, il n'est pas établi que l'avis a été rendu à l'issue d'une délibération en application de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dont la preuve incombe au préfet ; le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est susceptible d'entraîner une aggravation significative de son état de santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 janvier 2019.
Par une ordonnance du 10 mars 2020, l'instruction a été close au 20 avril 2020 ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme E..., présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., épouse B..., ressortissante monténégrine, est, selon ses déclarations, entrée en France le 26 février 2013, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants mineurs. Elle a déposé une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par des arrêtés du 20 mai 2014, du 5 mai 2015 et du 4 novembre 2016, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg, le préfet a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. La requérante a sollicité à nouveau son admission au séjour en raison de son état de santé le 25 octobre 2017. Par un arrêté du 12 octobre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Moselle l'a assignée à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 26 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés à l'exception des conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour et des conclusions accessoires qui ont été réservées dans l'attente de leur examen par une formation collégiale du tribunal. Mme B... fait appel de ce jugement.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris en application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le médecin ayant établi le 27 mai 2018 le rapport médical prévu aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'identité est mentionnée sur le bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 juin 2018, ne fait pas partie des trois médecins signataires de cet avis et doit, en conséquence, être regardé comme n'ayant pas siégé au sein de leur collège. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de la délibération du samedi 30 juin 2018 faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B... en sa qualité d'étranger malade, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 30 juin 2018. Or, il résulte de cet avis que, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination du Monténégro, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. En outre, le certificat et l'ordonnance produits par la requérante ne sont pas susceptibles à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet de la Moselle. Par ailleurs, le rapport de synthèse de la littérature scientifique réalisé par le service de santé mentale Ulysse, relatif à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique dont se prévaut Mme B... n'est de nature à établir, par sa généralité, que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies au Monténégro. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision du 12 octobre 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'encontre de la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination
8. En premier lieu, la décision contestée, qui mentionne l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que la requérante n'a pas justifié qu'elle serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle comporte par suite les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.
9. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un renvoi de Mme B... au Monténégro risquerait de provoquer une aggravation significative de son état de santé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence
10. Mme B... n'articule aucun moyen à l'encontre de la décision portant assignation à résidence. Dès lors, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision doivent être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est fondée à demander l'annulation ni du jugement du 26 octobre 2018 ni des arrêtés du 12 octobre 2018 par lesquels le préfet de la Moselle, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
2
N° 19NC00286