Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 août 2020, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, dans cette attente, sous la même astreinte, de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;
- l'arrêté attaqué a été pris à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège de médecin ne lui a pas été communiqué, en méconnaissance des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mars 2019.
Par une ordonnance du 24 juillet 2020, l'instruction a été close au 13 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme F..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante arménienne, est, selon ses déclarations, entrée en France le 17 août 2016. Elle a déposé une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 avril 2017, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 septembre 2017. Mme E... a adressé à l'administration une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 18 septembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme E... fait appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si Mme E... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur de fait en rejetant sa demande d'annulation, les erreurs ainsi alléguées se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité. A cet égard, il appartient au juge d'appel, le cas échéant, de redresser ces erreurs dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le moyen présenté sur ce point pour critiquer la régularité du jugement ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le préfet du Bas-Rhin a, par arrêté du 9 juillet 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, donné délégation à Mme C... B..., faisant fonction de directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décision relevant des attributions dévolues à la direction des migrations et de l'intégration, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions litigieuses. La circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas l'arrêté du 9 juillet 2018 mentionné ci-dessus est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, signé par Mme B..., serait entaché du vice d'incompétence doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est pas tenu de mettre en oeuvre une procédure contradictoire lorsque sa décision fait suite, comme en l'espèce, à une demande de l'étranger. En outre, aucune disposition n'impose au préfet de communiquer à l'étranger l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à l'édiction de sa décision. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que le préfet aurait méconnu l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en ne lui communiquant pas l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII préalablement à sa décision.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...) ".
6. D'une part, Mme E... n'établit pas avoir transmis préalablement à l'établissement du rapport du médecin instructeur un certificat médical ou des éléments relatifs à ses pathologies psychiatriques. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le rapport transmis à l'OFII qui ne fait pas mention de ces pathologies est incomplet.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre Mme E... au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque vers son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. La requérante fait valoir qu'elle bénéficie d'un suivi pour différentes pathologies consécutives à une mammectomie et à un cancer du sein ainsi que pour des troubles anxio-dépressifs. Toutefois, les documents versés au dossier ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation du préfet du Bas-Rhin quant à la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et à la capacité de l'étranger à voyager sans risque. En particulier, si Mme E... soutient que les médicaments utilisés pour son traitement en France ne seraient pas disponibles en Arménie, elle ne l'établit pas en produisant la liste des médicaments essentiels de l'Arménie, qui ne constitue pas la liste des médicaments disponibles dans ce pays. En outre, elle n'apporte aucun élément probant susceptible de démontrer que l'insuffisance de ses ressources l'empêcherait d'avoir accès à un traitement effectif dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse quant à la situation personnelle de la requérante doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est fondée à demander ni l'annulation du jugement du 22 janvier 2019, ni celle de l'arrêté du 18 septembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent elles aussi qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC00510