Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC00870, le 26 mars 2019, et un mémoire, enregistré le 2 juin 2020, M. B... F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 par lequel le maire de Besançon a refusé de lui accorder un permis de construire pour un projet de maison d'habitation de deux logements sur la parcelle cadastrée KV n° 60, sise 35 chemin Sous les Vignes de Rognon à Besançon, ensemble la décision implicite de rejet de son recours née le 23 août 2017 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Besançon de lui délivrer ce permis de construire ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Besançon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- le tribunal a commis une erreur dans l'application de l'article L. 111-21 du code de l'urbanisme en jugeant que le projet porterait atteinte aux lieux avoisinants et aux paysages, sans avoir préalablement apprécié la qualité du site, ainsi que l'intérêt et les caractéristiques du secteur d'implantation du projet ;
- ce projet ne portant pas d'atteinte de cette nature, le permis de construire ne pouvait pas être refusé sur le fondement des articles L. 111-21 du code de l'urbanisme et U11.2 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 6 mars 2020 et 4 septembre 2020, la commune de Besançon, représentée par Me A..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de M. F... le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- les observations de Me C..., pour M. F...,
- et les observations de Me E... substituant Me A... pour la commune de Besançon.
Une note en délibéré présentée pour M. F... a été enregistrée le 21 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et M. D..., propriétaires à Besançon d'une parcelle cadastrée KV n° 60, située 35 chemin sous-les-vignes-de-Rognon à Besançon, en zone UR du plan local d'urbanisme (PLU) de cette commune, ont sollicité, le 1er décembre 2016, la délivrance d'un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 376 m², comportant un bâtiment unique réparti en deux logements. Par un arrêté du 26 avril 2017, confirmé sur recours gracieux, le maire de Besançon leur a refusé la délivrance de ce permis de construire. M. F... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2017 et du rejet du recours gracieux contre cet arrêté :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux lieux ou paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Aux termes de l'article UP 11.3 du règlement du plan local d'urbanisme : " 11.3 Façades. / Toutes les façades font l'objet d'une recherche notamment au niveau de leur profondeur, des percements, de l'organisation des entrées, de leurs proportions et rythmes (...) et d'un traitement homogène et harmonieux. Est proscrit l'emploi à nu, en parements extérieurs, de matériaux de remplissage ou fabriqués en vue d'être recouverts d'un enduit. Les couleurs dominantes vives, inhabituelles ou trop claires sont proscrites. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si l'environnement du projet de M. F... est constitué de maisons d'habitations dont l'architecture et l'aspect extérieur ne présentent pas de caractère ou d'intérêt marqués, ni d'unité particulière, le lieu d'implantation de ce projet se situe en revanche au coeur d'un site naturel inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. La maison d'habitation dont la construction est envisagée, composée d'un bâtiment unique, d'une longueur de 22 mètres, d'une hauteur de 7,50 mètres à l'égout du toit et de 11 mètres hors tout, est divisée en deux logements et comprend un rez-de-chaussée, un étage et des combles, pour une surface totale de plancher de 376 m². Bien que, dans son avis du 28 décembre 2016, l'architecte des bâtiments de France ait estimé que ce projet était, en l'état, de nature à altérer l'aspect de ce site inscrit, il a également indiqué qu'il pouvait y être remédié sous réserve du respect de prescriptions destinées à préserver le caractère et la cohérence des lieux, en préconisant en particulier que le pan de toiture sur rue soit recouvert en zinc plutôt qu'en tuile et se prolonge en façade à la place du bardage en mélèze et que, par ailleurs, les enrochements soient proscrits. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment des photographies produites par le requérant, sans que la commune de Besançon établisse le contraire, que la construction, située à l'extrémité d'un chemin en impasse et dissimulée, à distance, par la végétation, ne sera visible qu'à ses abords immédiats et non depuis le reste de la voie publique. Dans ces conditions, et en dépit de l'aspect imposant de la construction, au demeurant liée à la réalisation de deux logements, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette construction serait, par son architecture, ses dimensions ou son aspect extérieur, de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, ou aux sites et paysages naturels environnants, au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Il n'apparaît pas davantage que le projet litigieux présenterait des caractéristiques incompatibles avec les prescriptions de l'article UP 11.3 du règlement du plan local d'urbanisme.
4. En second lieu, il résulte de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a regardé comme illégal l'autre motif, tiré des articles R. 111-2 et R. 111-8 du code de l'urbanisme, sur lequel était fondé l'arrêté du maire de Besançon du 26 avril 2017. La commune de Besançon ne conteste pas le jugement sur ce point.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2017 et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté. Par suite, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté et cette décision du maire de Besançon.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.
7. En raison de l'annulation prononcée par la cour et alors qu'aucun des motifs énoncés par le maire de Besançon dans le refus de permis de construire du 26 avril 2017 ni en cours d'instance ne sont de nature à justifier ce refus et qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de cette décision en interdisaient la délivrance ou qu'un changement dans les circonstances de fait fasse désormais obstacle à sa délivrance, il y a lieu d'enjoindre à la commune de délivrer le permis de construire sollicité par M. F... dans sa demande présentée le 1er décembre 2016, sous réserve toutefois du respect, par ce dernier, des préconisations avancées par l'Architecte des bâtiments de France dans son avis du 28 décembre 2016, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la commune de Besançon au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Besançon le versement à M. F... d'une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 31 janvier 2019, l'arrêté du maire de Besançon du 26 avril 2017 et la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Besançon de délivrer à M. F... le permis de construire sollicité dans sa demande présentée le 1er décembre 2016, sous la réserve énoncée au point 7 du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.
Article 3 : La commune de Besançon versera à M. F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Besançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et à la commune de Besançon.
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N° 19NC00870