Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01806 le 6 juin 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de 8 jours suivant notification de l'arrêt, et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la condition posée par le 1 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à la circonstance que l'un des parents au moins soit titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident n'était opposable ni à une demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire, ni à un étranger de 19 ans ;
- elle ne se trouvait dans aucune des quatre hypothèses dans lesquelles le préfet peut refuser le renouvellement de la carte de séjour temporaire ;
- par son arrêté, le préfet a abrogé le titre de séjour dont elle était encore en possession, sans invoquer de fraude, ni avoir fait application de la procédure de retrait qui implique le recueil des observations préalables de l'étranger et une information sur son droit d'être assisté ; cette irrégularité prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prononcée à son égard alors qu'elle était en situation régulière ;
- l'arrêté du préfet porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 18 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 25 août 1999, est entrée en France, selon ses déclarations, le 22 juin 2017, en compagnie de ses deux soeurs et de son frère au titre du regroupement familial accordé à sa mère, Mme D..., alors titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Doubs lui a délivré, à sa demande, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 1 du même article, valable du 31 octobre 2017 au 30 octobre 2018. Le 20 septembre 2018, Mme A... a sollicité le renouvellement de cette carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 5 octobre 2018, le préfet a rejeté cette demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à 1'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 octobre 2018 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 22 juin 2017, alors âgée de dix-sept ans, en compagnie de ses deux soeurs et de son frère, également mineurs, afin de rejoindre sa mère, qui, résidant régulièrement en France depuis le 23 octobre 2012, avait obtenu du préfet du Doubs, le 8 août 2016, le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de ses enfants. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante, dont le père est décédé, aurait encore des attaches familiales en République démocratique du Congo. A la date de l'arrêté contesté, elle était en outre inscrite en France dans un lycée où elle avait validé une seconde professionnelle de gestion des administrations pour l'année scolaire 2017-2018 et était inscrite en première pour l'année scolaire 2018-2019. Enfin, par un arrêt n° 19NC01805 de ce jour, la cour a annulé l'arrêté du 2 octobre 2018 par lequel le préfet du Doubs avait refusé à Mme D..., mère de la requérante, le bénéfice de la carte de résident de longue durée-UE. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, l'ensemble des attaches familiales de Mme A..., ainsi que le centre de sa vie privée se trouvaient en France. Dès lors, celle-ci est fondée à soutenir qu'en lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire et en l'obligeant à quitter le territoire français à une date, au demeurant, où elle était encore titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, cet arrêté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mai 2019 et de l'arrêté du préfet du Doubs du 5 octobre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Il appartient en effet au juge administratif, saisi de conclusions à fin d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.
5. Par un arrêt n° 19NC01805 de ce jour, la cour a enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme D..., mère de la requérante, la carte de résident de longue durée-UE, sous réserve de la justification, par cette dernière, qu'elle continue de bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés. Dès lors, si l'exécution du présent arrêt implique normalement qu'il soit délivré à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", c'est à la condition toutefois que Mme D..., ayant justifié qu'elle continue de bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés, se voie remettre cette carte de résident, en exécution de l'arrêt n° 19NC01805. Sous cette réserve, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à Mme A... la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés aux instances :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante aux instances, le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mai 2019 et l'arrêté du préfet du Doubs du 5 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Sous la réserve énoncée au point 5 du présent arrêt, il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC01806