Procédure devant la cour :
I. Par une requête n°19NC02760 enregistrée le 5 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du 27 juin 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 18 juin 2019 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission provisoire au séjour, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- eu égard à l'importance de ses liens familiaux en France et à la circonstance que sa demande d'asile est fondée sur les mêmes faits que ceux ayant conduit à accorder le statut de réfugié aux membres de sa belle-famille, le préfet a commis un défaut d'examen de sa situation et une erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant a quitté le centre d'accueil des demandeurs d'asile de Montbéliard qu'il indiquait comme domicile ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
II. Par une requête n°19NC012761 enregistrée le 5 septembre 2019, Mme A..., épouse B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du 27 juin 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 18 juin 2019 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission provisoire au séjour, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- eu égard à l'importance de ses liens familiaux en France et à la circonstance que sa demande d'asile est fondée sur les mêmes faits que ceux ayant conduit à accorder le statut de réfugié aux membres de sa belle-famille, le préfet a commis un défaut d'examen de sa situation et une erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;
- il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes ont été informées de la pathologie dont elle souffre afin qu'une prise en charge effective et immédiate soit assurée ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la requérante a quitté le centre d'accueil des demandeurs d'asile de Montbéliard qu'elle indiquait comme domicile ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une lettre du 22 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les requêtes compte tenu de l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date de notification du jugement par lequel le tribunal administratif a statué au principal, ce qui a rendu la France responsable de la demande de protection internationale de M. et Mme B....
Par un mémoire en réponse au moyen relevé d'office enregistré le 22 juin 2020, le préfet du Doubs indique que l'Allemagne est toujours l'Etat compétent pour examiner la demande d'asile des intéressés qui ont été déclarés en fuite.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 8 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants kosovares, sont entrés irrégulièrement en France et ont présenté une demande d'asile le 15 mai 2019 à la préfecture du Doubs. La consultation du fichier Eurodac, a révélé que les empreintes des intéressés avaient déjà été relevées en Allemagne. Le préfet a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge le 20 mai 2019. Le 27 mai 2019, les autorités allemandes ont explicitement donné leur accord. Par des arrêtés du 18 juin 2019, le préfet du Doubs a décidé le transfert des intéressés auprès de ces dernières et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les arrêtés de transfert aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont reçu, le 15 mai 2019, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". Ces documents, rédigés en langue française, ont été portés à leur connaissance oralement par l'intermédiaire d'un interprète en langue romani, seule langue qu'ils ont déclarée comprendre, lors de l'entretien individuel qui s'est déroulé le même jour. Si M. et Mme B... n'ont pas signé les brochures en cause, ils ont apposé leur signature sous le résumé de l'entretien individuel à l'issue duquel ils ont confirmé s'être vu remettre ces brochures et avoir compris les éléments de la procédure d'asile qu'ils ont engagée. Les intéressés ne contestent pas que les documents ainsi portés à leur connaissance comportaient l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Selon l'article 9 du même règlement : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". L'article 2 du même règlement énonce que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / g) " membres de la famille " dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres: / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".
6. Les parents et la soeur de Mme B... bénéficient en France du statut de réfugié respectivement depuis 2004 et 2006. Si les requérants ne peuvent être considérés comme des " membres de la famille " au sens de l'article 2 du règlement 604/2013 précité et bénéficier des dispositions de l'article 9 du même règlement, le préfet peut tenir compte des circonstances particulières de chaque espèce dans la mise en oeuvre de l'article 17 précité. Il ressort toutefois des pièces des dossiers que les requérants ont sollicité l'asile en Allemagne en 2018, pays dans lequel résident par ailleurs des membres de la famille de M. B.... En outre, les requérants n'établissent pas l'intensité et l'ancienneté de leurs liens avec les membres de leur famille résidant en France. Par conséquent, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'un défaut d'examen de la situation des requérants et méconnaitraient l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
7. En dernier lieu, la circonstance alléguée par Mme B... selon laquelle il n'est pas établi que les autorités allemandes auraient été informées de sa pathologie est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert prise à son encontre alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge appropriée en Allemagne.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 18 juin 2019 du préfet du Doubs portant transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de leur demande d'asile.
Sur les arrêtés portant assignation à résidence :
9. Le moyen, soulevé, par voie d'exception à l'encontre des arrêtés portant assignation à résidence, tiré de l'illégalité des arrêtés du 18 juin 2019 du préfet du Doubs portant transfert de M. et Mme B... aux autorités allemandes en vue de l'examen de leur demande d'asile doit être écarté eu égard à ce qui est dit au point précédent.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 18 juin 2019 du préfet du Doubs portant assignation à résidence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet, les requêtes de M. et Mme B... doivent être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme F... A..., épouse B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC02760-19NC02761