Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2019 et 8 octobre 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure dès lors que n'y était pas joint l'avis médical du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- cet arrêté n'est pas motivé ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins ;
- il n'est pas justifié que l'avis du collège de médecins sur lequel le préfet s'est fondé, s'est prononcé sur les différents éléments de sa situation médicale ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne pouvait pas l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'était susceptible d'être soulevée d'office l'irrecevabilité des moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux du 30 avril 2019 est entaché d'un vice de procédure résultant de l'absence de communication de l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, d'un défaut de motivation et de ce qu'il n'est pas justifié que l'avis du collège de médecins s'est prononcé sur les différents éléments de sa situation médicale, invoqués pour la première fois en appel et relevant d'une cause juridique distincte de celle dont procédaient le moyen soulevé devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré régulièrement sur le territoire français le 2 septembre 2015 afin d'y poursuivre des études. Il a obtenu la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention " étudiant " jusqu'en 2018. Le 27 juin 2018, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 30 avril 2019, le préfet de la Marne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort de l'examen du dossier de première instance que M. A... n'avait soulevé, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que deux moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté contesté. S'il soulève pour la première fois en appel, les moyens, qui ne sont pas d'ordre public, tirés de ce que l'arrêté litigieux a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de communication de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) , lequel devait se prononcer sur les différents éléments de sa situation médicale et de ce que cet arrêté n'est pas motivé, ces moyens se rattachent à la légalité externe de la décision et relèvent ainsi d'une cause juridique distincte de celle invoquée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. De tels moyens sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être écartés.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
4. Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
5. Un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision contestée, que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et n'aurait pas procédé à un examen de la situation du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. Dans son avis du 3 décembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A..., qui souffre de troubles visuels significatifs et d'une insuffisance rénale chronique modérée sur un rein fonctionnel unique, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a subi une intervention chirurgicale en 2016 pour soigner une cataracte congénitale et que son état de santé ophtalmologique nécessite désormais un suivi annuel. M. A... bénéficie également d'un suivi régulier auprès d'un néphrologue pour son insuffisance rénale. Les certificats médicaux produits par M. A... ne comportent aucune précision sur la nature de son suivi médical et l'éventuel traitement que son état de santé nécessite. En se bornant à faire valoir de manière générale les insuffisances du système de santé guinéen, le requérant ne démontre pas que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation de son état de santé en estimant qu'il pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 10° de l'article L. 511-4 du même code et de ce que le préfet ne pouvait pas l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC02844