Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°19NC03014 le 22 octobre 2019, Mme D... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 13 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L.211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2020.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante congolaise, née le 21 février 1954, est entrée en France le 16 septembre 2015, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 14 septembre au 14 octobre 2015. Elle a sollicité le 11 décembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendant de Français sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 mai 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... fait appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision du préfet de l'Aube refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour mentionne les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que l'intéressée a déclaré qu'elle avait quatre enfants nés à Brazzaville mais résidant tous en France, que deux de ces enfants étaient de nationalité française et que son fils, M. A... E..., avait déclaré héberger sa mère. Elle souligne également que les montants des avis d'imposition sur le revenu de ce dernier pour les années 2015 et 2016 révélaient que celui-ci avait déclaré à l'administration fiscale l'absence de perception de revenus et que la requérante n'avait pas joint à son dossier des éléments justifiant l'existence de ressources financières suffisantes permettant sa prise en charge par son fils. Elle indique enfin que Mme C... n'est pas en possession d'un visa pour une durée de séjour supérieure à trois mois, qu'elle ne peut pas prétendre à un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne relève d'aucun des cas prévus par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme C... avant d'opposer un refus à sa demande de délivrance d'un son titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; (...) "
6. Mme C... ne conteste pas qu'elle n'est pas entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 16 septembre 2015, à l'âge de 61 ans. Elle ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis quatre ans à la date de la décision préfectorale contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale hors de France et dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. A cet égard, si elle produit un jugement du tribunal de grande instance de Brazzaville en date du 6 mars 2015, qui prononce son divorce aux torts exclusifs de son mari et indique que les époux étaient séparés de fait depuis plusieurs années, la requérante avait également admis avoir trois frères et soeurs résidant à l'étranger, ainsi qu'un fils résidant au Cameroun. Dans ces conditions et nonobstant la circonstance que quatre de ses fils et ses petits-enfants résident en France, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) "
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas statué au regard de ces dispositions. La requérante ne peut donc utilement les invoquer. Au surplus, si elle soutient qu'elle avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, sur le fondement de ces dispositions, elle ne se prévaut d'aucune circonstance susceptible de constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de l'Aube n'a en tout état de cause pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
11. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 13 mai 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03014