Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 octobre 2019 et 17 septembre 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence pour ressortissant algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence pour ressortissant algérien ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'absence de saisine de la commission du titre de séjour entache l'arrêté contesté d'irrégularité ;
- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ;
- sa situation particulière n'a pas été suffisamment examinée ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses liens privés en France, et de la promesse d'embauche dont il dispose ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- il a droit à l'obtention d'un titre de séjour de plein-droit sur le fondement de sa vie privée et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les documents fournis par le requérant ne sont pas suffisants pour établir qu'il résidait en France de manière habituelle entre 2013 et 2015 ;
- la tante de M. E... a déclaré qu'il était retourné en Algérie ;
- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente assesseur,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien né le 5 mars 1978, déclare être entré en France en octobre 2006. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence pour ressortissant algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 5 juin 2019, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 29 novembre 2018.
Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2018 :
2. Le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".
3. Les pièces, notamment administratives et médicales, produites par M. E..., qui doivent être appréciées dans leur globalité, permettent d'établir qu'à la date de l'arrêté litigieux, il résidait de manière habituelle et continue en France depuis le mois d'octobre 2007, hormis de brèves périodes aux mois de novembre et décembre 2010, juillet, septembre et octobre 2013, septembre à novembre 2014 et février 2015. La déclaration de sa tante, qui l'hébergeait, selon laquelle, à la date du 12 mai 2011, il n'habitait plus chez elle et serait retourné en Algérie, n'est pas suffisamment circonstanciée, au regard de son caractère hypothétique pour établir que M. E... aurait effectivement quitté la France, alors qu'il produit des justificatifs attestant de sa présence pour l'année 2010 et le début de l'année 2011 et que sa tante admet ne plus avoir de contacts avec lui. Les très nombreuses pièces produites par le requérant, notamment les certificats médicaux, comptes rendus d'hospitalisation ou de consultation médicales, relevés de paiement de la caisse primaire d'assurance maladie, attestations annuelles d'admission au titre de l'aide médicale d'Etat depuis l'année 2008 à l'exception de l'année 2013 pour laquelle une attestation de mars 2013 de la caisse d'allocations familiales est cependant produite, sont, en revanche, suffisamment probantes et établissent qu'il résidait en France de manière habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux. Il suit de là, qu'en refusant de délivrer un certificat de résidence à M. E... en application du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet du Bas-Rhin a entaché sa décision d'erreur de fait et de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Bas-Rhin refusant de lui délivrer un titre de séjour. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Le motif de l'annulation prononcée au point précédent implique nécessairement que le préfet du Bas-Rhin délivre à M. E... un certificat de résidence pour ressortissant algérien portant la mention " vie privée et familiale " d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de M. E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Bas-Rhin sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. E... un certificat de résidence pour ressortissant algérien portant la mention " vie privée et familiale " d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
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N° 19NC03111