Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 octobre 2019 et 24 avril 2020, la Compagnie des Transports Strasbourgeois, représentée par Me L..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 23 août 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant seulement qu'il a écarté la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre et limité, en conséquence, les missions de l'expert ;
2°) de réformer le 3° de l'article 2 du dispositif du jugement du 23 août 2019 comme suit : " 3°) de dire si le coût supplémentaire du " Dampalon " et de l'éclairage constituent des dommages causés aux ouvrages exploités par la Compagnie des Transports Strasbourgeois, s'ils sont imputables à une insuffisance du réseau d'évacuation des eaux en surface, à la défectuosité des drains et/ou à un défaut de maîtrise d'oeuvre, si oui dans quelle proportion et de chiffrer exactement ce chef de préjudice " ;
3°) de réformer le 4° de l'article 2 du dispositif du jugement du 23 août 2019 comme suit : " 4°) d'évaluer le montant du préjudice allégué par la Compagnie des Transports Strasbourgeois constitué par les travaux de remplacement des plâtres des murs, la remise en état de l'ancienne agence et des locaux associés et le remplacement des câblages et appareils électriques affectés par les infiltrations et de dire si ce préjudice est imputable à une insuffisance du réseau d'évacuation des eaux en surface, à la défectuosité des drains et/ou à un défaut de maîtrise d'oeuvre, si oui en quelle proportion ".
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est engagée dans le désordre n°2 consistant en une insuffisance du réseau d'évacuation des eaux en surface ;
- le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il exclut la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre dans ce désordre ;
- le tribunal ne pouvait écarter la responsabilité du maître d'oeuvre dans le désordre n°3, alors que l'expert a estimé que ce désordre lui était imputable et ne pouvait ainsi estimer que les désordres étaient seulement imputables à la société Colas Nord Est ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre, y compris des sociétés Serue Ingénierie et Thales Développement et Coopération.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, la société Serue Ingénierie, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la Compagnie des Transports Strasbourgeois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers frais et dépens.
Elle soutient que :
- l'expert ne met pas sa responsabilité en cause au titre de la mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) des travaux qui lui était attribuée ;
- les désordres étaient apparents avant réception des travaux ;
- sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ne peut être engagée, les désordres ne lui étant pas imputables ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;
- une partie des désordres est imputable à la Compagnie des Transports Strasbourgeois ;
- les autres moyens soulevés par la Compagnie des Transports Strasbourgeois ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 février, 24 avril et 6 mai 2020, la société Arep, représentée par Me A..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, par la voie de l'appel provoqué, à ce que l'Eurométropole de Strasbourg ainsi que, conjointement et solidairement, les sociétés Thales Développement et Coopération, Serue Ingénierie et Colas Nord Est soient condamnées à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge et au rejet des demandes dirigées contre elle et enfin, à ce qu'une somme de 40 000 euros soit mise à la charge de la Compagnie des Transports Strasbourgeois et éventuellement de l'Eurométropole de Strasbourg, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Compagnie des Transports Strasbourgeois ne justifie pas de son intérêt à agir, le jugement attaqué ne lui faisant pas grief ;
- la Compagnie des Transports Strasbourgeois ne saurait demander la réformation du jugement attaqué sur des points sur lesquels il n'a pas statué ;
- la Compagnie des Transports Strasbourgeois n'a pas saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg en vue de la désignation d'un expert comme l'y invitaient les premiers juges ;
- le rapport d'expertise n'est pas suffisamment précis sur les missions des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;
- sa demande tendant à la condamnation de l'Eurométropole de Strasbourg à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge, présentée à titre subsidiaire, est recevable ;
- l'Eurométropole de Strasbourg n'est ni recevable, ni fondée à invoquer sa responsabilité contractuelle ;
- ses conclusions subsidiaires tendant à ce que l'Eurométropole de Strasbourg soit condamnée à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge sont fondées ;
- le défaut d'entretien normal des ouvrages par l'Eurométropole de Strasbourg est à l'origine des désordres ;
- l'expertise complémentaire ne présente aucune utilité en ce qui la concerne ;
- l'Eurométropole de Strasbourg a réalisé d'importants travaux en juin 2019, qui rendent inutile l'expertise complémentaire ordonnée par le jugement attaqué ;
- les autres moyens soulevés par la Compagnie des Transports Strasbourgeois ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 avril et 15 juin 2020, la société Colas Nord Est, venant aux droits de la société Screg Est, représentée par Me O..., s'associe aux conclusions de la Compagnie des Transports Strasbourgeois tendant à la réformation du jugement attaqué afin que la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ne soit pas écartée et que les missions de l'expert ne soient pas limitées, conclut au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elle et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise solidairement à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg et de la société Arep au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a écarté prématurément la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre par son jugement avant dire-droit ;
- la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ne saurait être écartée en ce qui concerne les désordres n°s 2 et 3 au titre de sa mission de " direction de l'exécution des contrats de travaux " (DET) ;
- le groupement de maîtrise d'oeuvre devait également veiller à l'intégrité des ouvrages réalisés dans le cadre de sa mission d'ordonnancement, pilotage et coordination des travaux (OPC) ;
- en l'absence de condamnation prononcée par le jugement attaqué, les appels en garantie doivent être rejetés ;
- elle n'était pas chargée de travaux d'étanchéité et de la pose des drains ;
- l'expert ne lui impute aucun défaut dans l'exécution de ses ouvrages ;
- aucune chronologie du chantier n'établit à quel moment les drains défectueux ont été posés ;
- il appartenait à la société Pertuy d'émettre des réserves sur la réalisation des drains dont elle était chargée ;
- elle n'a commis aucune faute dans les désordres de nature à engager sa responsabilité sur un fondement quasi-délictuel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me G..., conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, au rejet des conclusions en appel en garantie dirigées contre elle par la voie de l'appel provoqué, à ce que la société Colas Nord Est soit condamnée à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge et enfin, à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Arep au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie que dirige la société Arep contre elle est irrecevable ;
- il ne peut qu'être rejeté, la société Arep ayant manqué à son obligation de conseil au moment des opérations de réception du lot " voirie et réseaux divers " (VRD) et de l'établissement du décompte général et définitif de ce lot ;
- le protocole transactionnel du 5 septembre 2011 fait obstacle à ce que la société Arep demande sa condamnation à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge ;
- ce protocole transactionnel n'est pas opposable à la Compagnie des Transports Strasbourgeois, qui a la qualité de tiers à ce contrat ;
- aucun défaut d'entretien des ouvrages relevant du lot VRD ne peut lui être reproché ;
- ses conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à ce que la société Colas Nord Est soit condamnée à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge, présentées dans le délai de dix ans de la garantie décennale des constructeurs, sont recevables ;
- les désordres d'infiltrations d'eau rendent l'ouvrage impropre à sa destination et engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent leur garantie décennale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, la société Thales Développement et Coopération, venant aux droits de la société Thales Engineering et Consulting, représentée par Me C..., conclut à titre, principal, au rejet de la requête et de toutes les conclusions dirigées contre elle, à titre subsidiaire, à la réformation des articles 2-3 et 2-4 du jugement attaqué afin que la mission d'expertise porte également sur un manquement du maître d'oeuvre ou un défaut d'entretien du maître d'ouvrage et à ce que les sociétés Arep, Serue Ingénierie, Colas Nord Est et l'Eurométropole de Strasbourg soient condamnées, conjointement et solidairement, à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge en principal, intérêts, frais et accessoires et enfin à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de toutes les parties perdantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'avait qu'un rôle dans la conception du projet au sein du groupement de maîtrise d'oeuvre et n'avait aucun rôle dans la surveillance des travaux ;
- les désordres ne sont imputables à aucune faute de conception ;
- l'expert ne lui impute aucune part dans les désordres ;
- en cas de condamnation, elle serait fondée à demander que les participants aux travaux soient condamnés à la garantir des sommes mises à sa charge.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, le jugement attaqué réservant les droits des parties au fond, leurs conclusions en appel en garantie sont irrecevables.
Un mémoire présenté pour la société Arep, enregistré le 18 septembre 2020, n'a pas été communiqué.
Un mémoire présenté pour l'Eurométropole de Strasbourg, enregistré le 18 septembre 2020, n'a pas été communiqué.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n° 1803852 du 4 mars 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg désignant M. D... en qualité d'expert.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me J... pour la Compagnie des Transports Strasbourgeois, Me H..., substituant Me A..., pour la société Arep, Me E... pour la société Thales Developpement et Coopération, Me I..., substituant Me B..., pour la société Serue Ingénierie et Me G... pour l'Eurométropole de Strasbourg.
Une note en délibéré présentée par la société Arep a été enregistrée le 29 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Une importante opération de rénovation de la gare de Strasbourg et de ses abords a été entreprise, sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté urbaine de Strasbourg, devenue Eurométropole de Strasbourg, de la SNCF et de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, chacune intervenant pour une partie des aménagements. La communauté urbaine de Strasbourg avait ainsi la qualité de maître d'ouvrage de la rénovation de la place située devant la gare et du parking souterrain. La maîtrise d'oeuvre de cet aménagement a été attribuée à un groupement solidaire comprenant la société Arep, la société Serue Ingénierie, la société Thales Engineering et Consulting, aux droits de laquelle vient en dernier lieu la société Thales Développement et Coopération, la société Denu Paradon et M. K.... La société Screg Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Nord Est, était titulaire du lot " voirie et réseaux divers " (VRD) de cette opération dite opération n°6. Les travaux du lot n°6-90 " VRD " ont été réceptionnés avec réserves le 21 novembre 2007. Les réserves ont été levées le 31 mai 2010 avec effet au 1er octobre 2008.
2. La Compagnie des Transports Strasbourgeois, société anonyme d'économie mixte de droit privé, concessionnaire du service public de transport urbain de voyageurs de Strasbourg en vertu d'un contrat de concession conclu avec la communauté urbaine de Strasbourg le 27 novembre 1990, assure, outre l'exploitation du réseau de transport, la maîtrise d'ouvrage des opérations de maintenance et d'extension du réseau. Elle a assuré, à ce titre, la maîtrise d'ouvrage des opérations d'aménagement de la " Galerie à l'En-Verre / cheminement ", dite opération n°3 et celle de la station de tramway, dite opération n°5. Ces ouvrages enterrés sont situés sous la place de la gare, au niveau R-1 et R-2 pour la galerie commerciale, R-3 et R-4 pour la station de tramway.
3. A la suite des travaux réalisés par la communauté urbaine de Strasbourg, la Compagnie des Transports Strasbourgeois a constaté, dès l'année 2007 et en 2008, des infiltrations d'eau dans la galerie commerciale et la station de tramway qu'elle exploite. Par une ordonnance du 15 mai 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné, à la demande de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, une expertise relative aux désordres affectant ces ouvrages. M. M..., expert désigné par le tribunal, a identifié six désordres à l'origine des infiltrations subies par la Compagnie des Transports Strasbourgeois dans son rapport définitif du 5 août 2015. Il a également procédé à deux constats relatifs à l'aggravation des désordres, ordonnés par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg à la demande de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, les 20 juillet et 4 août 2017.
4. Le 11 août 2017, la Compagnie des Transports Strasbourgeois a saisi plusieurs sociétés, dont les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et la société Screg Est, de demandes indemnitaires préalables tendant à la réparation des préjudices subis du fait des infiltrations d'eau dans les ouvrages qu'elle exploite. Le 21 juin 2018, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Arep, Serue Ingénierie, Thales Développement et Coopération et Colas Nord Est à lui verser la somme de 855 570,88 euros hors taxes (HT) correspondant d'une part, à la reprise des désordres qu'elle a subis résultant de l'aménagement de la place dont la communauté urbaine de Strasbourg était le maître d'ouvrage, à savoir les désordres dits n°2 qu'elle impute à une insuffisance du réseau d'évacuation des eaux de surface sur la place de la gare et n°3 qu'elle impute à un défaut de drainage assurant l'évacuation des eaux sous le remblai des pavés et des enrobés de la place, et d'autre part, à la réparation des préjudices supplémentaires non chiffrés par le rapport d'expertise du 5 août 2015, correspondant aux travaux de remplacement du " Dampalon " et de l'éclairage, aux travaux de remise en état de ses installations (remise en état du plâtre, de locaux et travaux d'électricité) ainsi qu'aux dépens. Elle demandait également qu'une expertise complémentaire soit ordonnée avant dire-droit afin de constater l'aggravation des désordres depuis le rapport d'expertise du 5 août 2015, de remédier aux imprécisions de ce rapport et de chiffrer les préjudices qui n'avaient pas pu l'être.
5. Par un jugement du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg s'est prononcé sur des responsabilités résultant des désordres n°2 et n°3, a partiellement fait droit à la demande d'expertise complémentaire de la Compagnie des Transports Strasbourgeois et a réservé les conclusions et moyens sur lesquels il n'a pas statué. Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il écarte tout lien de causalité entre les dommages qu'elle a subis et le désordre n°2 relatif à l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux de surface sur la place de la gare, en ce qu'il exclut toute responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre des missions de l'expert et demande que l'expertise soit complétée en conséquence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le désordre n°2 que la CTS impute à une insuffisance du réseau d'évacuation des eaux de surface :
6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 5 août 2015 que le réseau d'évacuation des eaux de surface devant la gare n'est pas sous-dimensionné et qu'aucun dysfonctionnement n'a été constaté. L'expert judiciaire précise ainsi que le réseau d'évacuation des eaux de surface devant la gare " n'est pas en cause puisque les avaloirs de surface ne peuvent être mis en cause ", hormis lors des orages exceptionnels tels que ceux de mai et juillet 2008, qui ont conduit à reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour la commune de Strasbourg. Alors même que l'expert relève que l'installation de caniveaux supplémentaires devant les portes d'entrée de la gare " semble être une précaution recommandable puisqu'elle permettra de limiter les risques de pénétration des eaux de surface en les interceptant devant les portes d'entrée à la verrière, d'autant que la pente générale du parvis est orientée vers la façade de la verrière ", il ne formule cependant qu'une simple recommandation qui ne modifie pas son appréciation précédente et qu'il qualifie lui-même " d'amélioration " dans sa réponse à un dire de l'Eurométropole de Strasbourg. L'expert exclut ainsi tout lien de causalité direct entre les infiltrations observées, dès 2007, dans les ouvrages exploités par la société requérante et un éventuel vice de conception ou de fonctionnement du réseau d'évacuation des eaux de surface de la place située devant la gare. Il suit de là que la Compagnie des Transports Strasbourgeois n'est pas fondée, en l'absence de lien de causalité entre les préjudices qu'elle invoque et le dimensionnement du réseau d'évacuation des eaux de surface, à rechercher la condamnation solidaire des sociétés Arep, Serue Ingénierie et Thales Développement et Coopération à lui verser la somme de 47 769,37 euros correspondant au coût des mesures conservatoires et des travaux de réalisation de caniveaux supplémentaires, tel qu'évalué par l'expert.
7. Il résulte de ce qui précède que la Compagnie des Transports Strasbourgeois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas reconnu la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre au titre du désordre n°2, ni en conséquence, à demander l'extension de la mission d'expertise quant à l'imputabilité des désordres mentionnés aux 3° et 4° de l'article 2 du jugement contesté à l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux de surfaces.
En ce qui concerne le désordre que la CTS impute à un défaut de drainage assurant l'évacuation des eaux sous le remblai des pavés et des enrobés :
S'agissant de la nature des désordres :
8. Il résulte de l'instruction que le complexe d'étanchéité mis en oeuvre sous le parvis de la place de la gare de Strasbourg consiste, au droit des portes d'entrée de la galerie commerciale, en un drainage horizontal installé à l'extérieur mais se poursuivant à l'intérieur du hall de la galerie commerciale sur une profondeur d'un mètre et se terminant par un ressaut de dix centimètres. Le rapport d'expertise du 4 août 2015 impute les infiltrations observées par la Compagnie des Transports Strasbourgeois dans les caissons en plâtre situés au-dessus des magasins de la galerie commerciale et dans le local arrière de la boutique Vinci Park au débordement de l'eau au-dessus du ressaut. L'eau se propage alors dans la chape intérieure de la galerie commerciale. L'expert exclut tout vice de conception du complexe d'étanchéité. Il relève que les infiltrations résultent du dysfonctionnement du système de drainage des eaux au droit des portes d'entrée de la galerie commerciale, ce qui fait obstacle à leur évacuation vers les chutes d'eaux pluviales. Le remblai est ainsi, selon le rapport d'expertise, en charge hydrostatique. Il impute ce dysfonctionnement à l'écrasement du drain au droit du passage du muret vers le caniveau situé sous la verrière de la galerie commerciale.
9. Le complexe d'étanchéité de la place de la gare a été réalisé par la société Pertuy dans le cadre des travaux dont la Compagnie des Transports Strasbourgeois avait la qualité de maître d'ouvrage. L'expert relève cependant que les drains ont été abîmés en cours de chantier, sans que l'identité des titulaires responsables de cette dégradation puisse être déterminée. Il relève cependant qu'étant intervenue pour poser le remblai sur le complexe d'étanchéité réalisé par la société Pertuy, la société Screg Est, aux droits de laquelle vient la société Colas Nord Est, titulaire du lot " VRD " dans le cadre des travaux réalisés sous maîtrise d'ouvrage de la communauté urbaine de Strasbourg, aurait dû appeler l'attention du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre sur ces dégradations et émettre des réserves quant à la qualité du support sur lequel elle est intervenue. L'expert impute également les désordres subis par la Compagnie des Transports Strasbourgeois au maître d'oeuvre pour défaut de surveillance de l'exécution des contrats de travaux.
S'agissant des personnes responsables :
10. Le maître de l'ouvrage et les constructeurs sont responsables, même en l'absence de faute, des dommages que les travaux publics peuvent causer aux tiers, à condition toutefois que ces travaux aient un lien direct de causalité avec le préjudice dont il est demandé réparation. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
11. Il ressort des termes mêmes du jugement contesté que les premiers juges se sont, sur le fondement des principes rappelés au point 10, exclusivement prononcés sur la responsabilité de la société Colas Est qu'ils ont retenue en rejetant le moyen de défense invoqué par cette société, tiré du caractère exonératoire de la faute du groupement de maîtrise d'oeuvre, soit d'un tiers, qui ne peut être utilement opposée dans un régime de responsabilité sans faute. Le tribunal administratif de Strasbourg n'a ainsi pas examiné, au titre du désordre n°3, la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre.
12. Par suite, la Compagnie des Transports Strasbourgeois, la société Colas Nord Est et l'Eurométropole de Strasbourg ne contestent pas utilement les motifs du jugement attaqué en soutenant que le tribunal aurait écarté à tort la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre.
13. Par ailleurs il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise du 5 août 2015 s'est déjà prononcé sur l'imputabilité du désordre n°3 au groupement de maîtrise d'oeuvre. Par suite, la CTS n'est pas fondée à soutenir que le complément d'expertise ordonné par les premiers juges qui porte sur l'imputabilité de nouveaux préjudices au désordre n°3 aurait également dû porter sur ce point, lequel est dépourvu d'utilité. Les conclusions de la Compagnie des Transports Strasbourgeois tendant à ce que les 3° et le 4° de l'article 2 du jugement attaqué soient réformés afin que l'expert se prononce sur une éventuelle responsabilité du maître d'oeuvre dans les préjudices invoqués par la société requérante résultant de la défectuosité des drains ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, la requête de la Compagnie des Transports Strasbourgeois doit être rejetée.
En ce qui concerne les conclusions de la société Arep tendant à être entièrement mise hors de cause de l'expertise complémentaire :
15. Alors que la société Arep n'est pas totalement étrangère au litige qui n'est pas définitivement tranché, ses conclusions tendant à être entièrement mise hors de cause de l'expertise complémentaire, qui ne préjuge en rien de la solution qui sera donnée au fond au litige, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les appels en garantie et les dépens :
16. Le jugement contesté réserve les conclusions sur lesquelles il n'a pas statué dont les appels en garantie. Les conclusions d'appel en garantie, présentées par la voie de l'appel provoqué, par l'Eurométropole de Strasbourg, la société Arep et la société Thales Developpement et Coopération sont, par suite, irrecevables. Les conclusions présentées par la société Serue Ingénierie tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la Compagnie des Transports Strasbourgeois ne peuvent qu'être rejetées pour le même motif.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présentent l'Eurométropole de Strasbourg, la société Arep, la société Colas Nord Est, la société Serue Ingénierie et la société Thales Developpement et Coopération sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Compagnie des Transports Strasbourgeois est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel provoqué par la société Arep, l'Eurométropole de Strasbourg et la société Thales Développement et Coopération et le surplus des conclusions présenté par ces mêmes sociétés, la société Colas Nord Est et la société Serue Ingénierie sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie des Transports Strasbourgeois, à l'Eurométropole de Strasbourg, à la société Arep, à la société Serue Ingénierie, à la société Colas Nord Est et à la société Thales Développement et Coopération.
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N°19NC03032