Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 4 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté 6 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités italiennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 513 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité incompétente dès lors que le préfet du Bas-Rhin n'était pas compétent ratione loci, que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas la possibilité pour le préfet de déléguer sa signature et que l'administration n'a pas justifié en première instance de l'existence d'une délégation de signature spéciale pour les décisions de transfert, accordée au signataire ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Grand Est
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant nigérian, est entré en France et a présenté une demande d'asile le 10 mai 2019 à la préfecture de la Moselle. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait demandé l'asile en Italie avant son entrée en France. Le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge le 27 mai 2019. Le 31 mai 2019, les autorités italiennes ont donné leur accord. Par un arrêté du 6 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de l'intéressé auprès de ces dernières. M. C... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / (...) ". Aux termes de l'article R. 742-1 du même code : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ". Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Grand Est : " (...) le préfet du département du Bas-Rhin est l'autorité administrative compétente, pour procéder, en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, s'agissant des demandes d'asile enregistrées par le préfet du département de la Marne, ou par le préfet du département de Moselle, ou par le préfet du département du Bas-Rhin, ou par le préfet du département du Haut-Rhin, et s'agissant des demandes d'asile enregistrées par un autre préfet de département concernant des demandeurs domiciliés dans un département de la région Grand Est. ". Selon l'article 2 du même arrêté : " Le préfet du département du Bas-Rhin est également compétent, s'agissant des demandes d'asile mentionnées à l'article 1er du présent arrêté, pour : / (...) / 3° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code précité. ". Selon son article 3 : " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées : / (...) / 4° A compter du 1er décembre 2018 par le préfet de la Moselle, ou par le préfet d'un autre département concernant les demandeurs domiciliés dans le département de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse, de la Moselle ou des Vosges ".
3. La demande d'asile présentée le 10 mai 2019 par M. C... auprès de la préfecture de la Moselle a été introduite après la date du 1er décembre 2018, visée à l'article 3 de l'arrêté du 2 octobre 2018 précité. Par suite, à la date de l'arrêté contesté, le préfet du Bas-Rhin était, en application de ces dispositions, l'autorité territorialement compétente d'une part, pour procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen des demandes d'asile et d'autre part, pour édicter la décision de transfert attaquée.
4. Par ailleurs aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ; 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département ou à leurs subordonnés ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics (...) ". Contrairement à ce que soutient M. C..., le préfet du Bas-Rhin tirait des dispositions précitées le pouvoir de donner délégation de signature à Mme A..., directrice des migrations et de l'intégration par intérim et signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer ; " dans la limite des attributions dévolues à cette direction, tous actes, décisions, pièces et correspondances à l'exception des documents ci-après ; /- Arrêtés présentant un caractère réglementaire général ; /- Correspondances destinées aux parlementaires, conseillers régionaux, conseillers départementaux et maires ; /-Nomination des membres des comités, conseils et commissions ;/-Refus de séjour après avis émis par la commission des titres de séjour ;/ -Arrêtés d'expulsion ", ainsi qu'il l'a fait par son arrêté du 26 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire applicable ne lui imposait d'édicter une délégation de signature spéciale pour les décisions de transfert. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme A... n'avait pas compétence pour signer l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
6. Le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. C... aux autorités italiennes au motif que ces dernières étaient responsables de l'examen de la demande d'asile présentée par l'intéressé avant son entrée en France. Ainsi, la circonstance, à la supposer avérée, que l'autorité préfectorale ne se serait pas enquise des motifs pour lesquels le requérant sollicite une protection internationale, ne peut, en tout état de cause, être de nature à démontrer qu'en refusant à M. C... le bénéfice de l'article 17 du règlement précité, le préfet aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC02780