Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01662 le 28 mai 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 août 2018 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le cas échéant un titre de séjour portant la mention " étudiant ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son recours est recevable ;
- le signataire de l'arrêté contesté était incompétent ;
- cet arrêté ne satisfait pas à l'obligation de motivation ;
- il a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et scolaire ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi a été prise sans examen préalable de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne justifiait d'aucune considération humanitaire ou de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 25 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien, est entré en France, selon ses déclarations, le 5 août 2017. Le 1er juin 2018, il a sollicité du préfet de la Marne la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 août 2018, le préfet de la Marne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 août 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 7 mai 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. La circonstance que l'arrêté contesté soit intervenu sur proposition du secrétaire général de la préfecture est sans incidence sur l'exercice, par le préfet, de sa propre compétence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté du 21 août 2018 est assorti des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'obligation de motivation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant avant de prendre les décisions que comporte cet arrêté.
4. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. M. B... a sollicité le 1er juin 2018 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il a ainsi été conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que l'administration ne statue sur sa demande de titre, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre celui-ci à même de réitérer ses observations ou d'en présenter de nouvelles, de façon spécifique, sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans enfant, est entré en France en 2017 à l'âge de 17 ans. S'il soutient être venu en France en vue d'apporter son soutien à son père malade, il n'établit pas que l'état de santé de ce dernier rendrait sa présence auprès de lui indispensable. La soeur du requérant, quoique présente en France, n'y bénéficie d'aucun droit au séjour, tandis que le requérant n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, ni le refus de séjour, ni la mesure d'éloignement opposés à M. B... n'étaient susceptibles de porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11, ni méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
9. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'en refusant d'admettre M. B... au séjour en France, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptible de justifier une admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC01662