Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01416 le 2 juillet 2020, M. E... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du BasRhin du 28 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du BasRhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision de refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile :
- sa motivation est stéréotypée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, notamment au regard des risques encourus dans son pays d'origine ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant la décision portant abrogation d'une attestation de demande d'asile ;
- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit et la motivation est stéréotypée ;
- son droit d'être entendu a été méconnu ;
- elle méconnaît le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle n'a pas fait l'objet d'une motivation spécifique ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, notamment au regard des risques encourus dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2021, le préfet du BasRhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant géorgien né le 11 mars 1986, est entré sur le territoire français avec ses deux parents le 27 mai 2019, selon ses déclarations, pour y solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile, instruite en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 23 août 2019. Le préfet du Bas-Rhin a alors, par un arrêté du 28 novembre 2019 et en application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. M. D... fait appel du jugement du 27 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la demande de première instance de M. D... que ce dernier avait soulevé, à la page 11 de sa demande enregistrée par le greffe du tribunal le 19 décembre 2019, le moyen tiré de ce que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an avait été prise en violation de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal n'ayant pas statué sur ce moyen, qu'il a pourtant visé, le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer.
3. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus du litige.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile :
5. En premier lieu, la décision du préfet du Bas-Rhin refusant à M. D... la délivrance d'une attestation de demande d'asile, qui n'est pas stéréotypée, mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise que la demande d'asile de l'intéressé, instruite en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 23 août 2019, et que M. D... ne bénéficie donc plus du droit de se maintenir sur le territoire français et peut ainsi se voir refuser le renouvellement de son attestation de demande d'asile ou se la voir retirer, nonobstant la circonstance que l'intéressé a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours en annulation de la décision de l'OFPRA. Alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de fait dont s'était prévalu le requérant à l'appui de sa demande d'asile, elle souligne au surplus que l'intéressé ne produit aucun élément lui permettant de se prévaloir des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision litigieuse comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. D... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; / (...) " Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° (...) si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; / (...) " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " (...) I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) " Enfin, aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le droit d'un ressortissant étranger de se maintenir sur le territoire français prend fin et que l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé, lorsque l'OFPRA a rejeté la demande d'asile selon la procédure accélérée, notamment parce que le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr et, d'autre part, que si un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours, il peut néanmoins contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la décision contestée est notamment motivée par la circonstance que la demande d'asile de M. D..., instruite en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 23 août 2019, que l'intéressé ne bénéficiait donc plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait se voir ainsi refuser le renouvellement de son attestation de demande d'asile ou se la voir retirer, et ce nonobstant la circonstance que l'intéressé avait saisi la cour nationale du droit d'asile d'un recours en annulation de la décision de l'OFPRA, ainsi que par la circonstance qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. D... serait exposé à des risques de traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, il est constant que le requérant est un ressortissant géorgien et il n'est pas contesté que la Géorgie est un pays d'origine sûr. Par suite, M. D..., auquel il était en outre loisible de demander la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder une attestation de demande d'asile à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
12. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise expressément le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne notamment que la demande d'asile de M. D..., instruite en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 23 août 2019 et que l'intéressé ne bénéficiait donc plus du droit de se maintenir sur le territoire français par application du 7° de l'article L. 743-2 du même code. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
14. Par ailleurs, lorsque la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise en raison de la perte du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il été entendu lorsqu'il a sollicité son admission au séjour dans le cadre de sa demande d'asile.
15. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
16. M. D... ayant sollicité le 17 juin 2019 son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, il a ainsi été conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait que lui soit délivré un titre de séjour en cette qualité et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que l'administration statue sur sa demande d'asile, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
17. En quatrième lieu, si le requérant soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas tenu compte, notamment, des risques encourus dans le pays d'origine, ce moyen doit être écarté à la fois pour les motifs déjà énoncés aux points 8 et 9 du présent arrêt et en raison du fait que M. D... n'apporte aucun élément probant sur la réalité des risques allégués.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
19. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. D..., célibataire et sans enfant, n'était entré sur le territoire français que depuis six mois et avait vécu durant trente-trois ans hors de France. En outre, le requérant n'établit, par les pièces qu'il produit, ni qu'il serait dans l'incapacité de poursuivre sa vie personnelle et familiale dans son pays d'origine, ni qu'il serait dépourvu d'attaches familiales en Géorgie, ni même encore qu'il aurait transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance qu'il est entré en France avec son père et sa mère et alors qu'il n'est pas démontré que ces derniers auraient vocation à se maintenir sur le territoire français, les moyens tirés de ce que la décision contestée contrevient aux dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
20. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination, qui souligne notamment que l'intéressé est le ressortissant d'un pays sûr, qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté serait menacée ou qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, enfin, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 23 août 2019, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
21. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. D..., notamment au regard des risques encourus dans le pays d'origine, avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
23. Si le requérant affirme que son père, chauffeur de taxi en Géorgie, a percuté, courant 2017, un piéton qui est resté lourdement handicapé et que, depuis lors, il fait l'objet de menaces de la part de la famille de la victime, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Géorgie. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 23 août 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
25. En deuxième lieu, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 30 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 2 octobre suivant, donné délégation à Mme B... A..., assurant les fonctions de directrice des migrations et de l'intégration, pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figure pas la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme A..., signataire de cette décision, doit être écarté.
26. En troisième lieu, la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français, qui mentionne notamment les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relève que l'intéressé, sans charge de famille, ne résidait en France que depuis six mois et ne démontrait pas l'intensité de ses liens avec la France, comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
27. En quatrième lieu, lorsque la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise en raison de la perte du droit de se maintenir sur ce territoire en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français dont elle assortit l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il été entendu lorsqu'il a sollicité son admission au séjour dans le cadre de sa demande d'asile.
28. Comme il a déjà été dit plus haut, M. D... ayant sollicité le 17 juin 2019 son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, il a ainsi été conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait que lui soit délivré un titre de séjour en cette qualité et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que l'administration statue sur sa demande d'asile, n'imposait pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le droit d'être entendu a été méconnu doit être écarté.
29. En cinquième lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
30. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
31. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Bas-Rhin a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la durée de présence de M. D... sur le territoire français, ainsi que l'absence d'intensité de ses liens avec la France. Il est constant qu'à la date de la décision contestée, M. D..., célibataire et sans enfant, n'était entré sur le territoire français que depuis six mois et avait vécu durant trente-trois ans hors de France, et il ne ressort pas du dossier qu'il aurait transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France, alors notamment qu'il n'est pas établi que son père et sa mère auraient vocation à se maintenir sur le territoire français. Il remplissait ainsi deux des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Dès lors, nonobstant notamment les circonstances que l'intéressé n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, c'est par une exacte application de ces dispositions que le préfet a pris à l'encontre de M. D... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
32. En sixième lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
33. Si un étranger originaire d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA selon la procédure accélérée ne bénéficie normalement pas du droit de se maintenir en France, il a la faculté, d'une part, de contester devant le tribunal administratif, par un recours ayant un effet suspensif, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, de solliciter la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours contre le rejet de sa demande d'asile. Dans ces conditions et eu égard aux circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations combinées des articles 13 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
34. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée comporterait pour la situation personnelle du requérant des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit en tout état de cause être écarté.
35. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du BasRhin du 28 novembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du BasRhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
36. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
37. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 janvier 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision interdisant à M. D... de retourner sur le territoire français pendant un an.
Article 2 : Le surplus de la requête et la demande de première instance de M. E... D... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du BasRhin.
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N° 20NC01416