Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02530 le 28 août 2020, M. C... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Bas-Rhin du 19 avril 2018, confirmée par un arrêté du 31 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la décision méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., de nationalité algérienne, né le 31 mai 1983, est entré en France pour la dernière fois le 26 février 2018, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 9 mars 2018, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, afin d'y rejoindre son épouse, Mme D... B..., titulaire d'un certificat de résidence portant d'abord la mention " étudiante " puis la mention " commerçante ", ainsi que leurs deux enfants alors âgés de 6 et 4 ans. Par une décision du 19 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien. M. C... E... a alors présenté, le 16 mai 2018, une demande de réexamen de sa situation, à laquelle le préfet a opposé un refus le 31 mai suivant. M. E... fait appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France pour la dernière fois le 26 février 2018, à l'âge de 35 ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins de deux mois et plus de trois mois, à la date des deux décisions préfectorales contestées. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, si son épouse réside en France depuis septembre 2016, d'abord en qualité d'étudiante, puis en qualité de commerçante, et que leurs deux enfants mineurs y résident également depuis 2017 et y sont scolarisés, il est constant que le requérant exerce toujours son activité professionnelle de contrôleur aérien en Algérie, où il a en conséquence sa résidence habituelle, et il ressort des pièces du dossier qu'il avait fait le choix depuis 2016 de ne rejoindre qu'épisodiquement son épouse et ses enfants avec des visas de court séjour, comme l'attestent les cachets d'entrées et de sorties figurant dans son passeport. Dans ces conditions, nonobstant ses efforts d'intégration en France et la circonstance que son épouse affirme vouloir préparer un doctorat et avoir besoin de son soutien pour s'occuper de leurs deux filles, et alors qu'il était loisible à Mme B..., soit de déposer une demande de regroupement familial au bénéfice de son mari sur le fondement de l'article 4 de l'accord franco-algérien, soit de reprendre ses études en Algérie ou d'y créer une nouvelle entreprise, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les décisions contestées, qui ne lui interdisent pas de revenir régulièrement en France pour y visiter sa famille, méconnaissent l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les enfants du requérant, désormais âgés de 7 et 5 ans, ne sont scolarisés en France que depuis l'année 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France, dans l'hypothèse où leur mère ferait le choix de retourner dans son pays d'origine. Si, à l'inverse, leur mère faisait le choix de rester en France, les deux enfants pourraient y poursuivre leur scolarité, M. E... pouvant alors, comme il avait choisi de le faire de 2016 à 2018, rejoindre régulièrement son épouse et ses enfants sous le couvert de visas. Ainsi, dans les deux cas, les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer durablement le requérant de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 19 avril 2018, confirmée par un arrêté du 31 mai 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC02530