Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02777 le 24 septembre 2020, Mme A... F..., épouse E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier : le tribunal s'est prononcé sur la régularité de la publication de l'arrêté de délégation de signature du 2 octobre 2019 alors que cette régularité n'était pas discutée par les parties ; le tribunal a violé le principe du contradictoire, dès lors qu'il a retenu l'existence d'une délégation de signature donnée à M. B..., sans qu'un tel document soit communiqué à la requérante ;
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas la possibilité pour le préfet de déléguer sa signature ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que l'administration n'a pas examiné si elle remplissait les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour, ni la possibilité de régulariser sa situation en vertu du pouvoir discrétionnaire ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation : au paragraphe 5 de son jugement, le tribunal s'est prononcé sur une mesure de reconduite à la frontière, alors que le litige concerne une obligation de quitter le territoire français ; l'affirmation du tribunal selon laquelle le préfet aurait examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la requérante est fausse, car la seule mention du pouvoir discrétionnaire dans l'arrêté litigieux concerne uniquement le délai de départ volontaire ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle sera annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme F..., épouse E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 8 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... F..., épouse E..., de nationalité arménienne, née le 31 décembre 1987, est entrée irrégulièrement en France le 23 juillet 2017, selon ses déclarations, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants. Le 2 juillet 2019, elle a sollicité le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 août 2019, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 26 novembre 2019. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 13 janvier 2020, obligé l'intéressée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme F..., épouse E... fait appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il est constant que Mme F..., épouse E... avait soulevé le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté avait été signé par une autorité incompétente. Dès lors, il appartenait au tribunal administratif, pour apporter une réponse complète à ce moyen, de vérifier notamment que l'arrêté de délégation du 2 octobre 2019 en vertu duquel M. B... avait signé l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 janvier 2020 avait été régulièrement publié, et ce nonobstant la circonstance que la requérante n'avait pas soutenu l'irrégularité de cette publication. En outre, dès lors que l'arrêté de délégation du 2 octobre 2019 a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs du département du 4 octobre 2019, les premiers juges n'étaient pas tenus, pour respecter le principe du contradictoire, de le communiquer à la requérante.
3. Par suite, Mme F..., épouse E... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 2 octobre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 4 octobre 2019, donné délégation à M. D... B..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale, pour signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas expressément la possibilité pour le préfet de déléguer sa signature, le moyen tiré de l'incompétence de M. B..., signataire de l'arrêté contesté, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " Les dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du même code fixent le régime contentieux particulier applicable aux obligations de quitter le territoire qui peuvent être décidées à l'encontre des étrangers visés dans les cas énumérés aux 1°, 2°, 4° et 6° du I précité de l'article L. 511-1 et dont l'intervention n'est pas subordonnée à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour des intéressés.
6. Il est constant que Mme F..., épouse E... s'est vue refuser le statut de réfugié par une décision de l'OFPRA du 7 août 2019, confirmée par une ordonnance de la CNDA du 26 novembre 2019, et qu'elle n'avait présenté aucune demande de titre de séjour sur un autre fondement qu'en qualité de réfugiée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné si l'intéressée remplissait par ailleurs les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour, ou, au demeurant, si elle aurait pu se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du pouvoir de régularisation du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si le tribunal a mentionné, au point 5 du jugement attaqué, une " mesure de reconduite à la frontière ", et non une " obligation de quitter le territoire ", cette maladresse de rédaction n'est pas de nature à entacher le jugement d'illégalité, dès lors que le tribunal a également mentionné, au même point 5, lequel figure au demeurant sous l'intitulé : " En ce qui concerne les décision portant obligation de quitter le territoire ", qu'il s'agissait de statuer sur une " mesure d'éloignement ".
8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, la requérante ne peut pas utilement soutenir qu'elle aurait pu se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du pouvoir de régularisation du préfet. Par suite, le moyen tiré de ce que la mention du jugement attaqué selon laquelle le préfet aurait examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la requérante serait erronée, dès lors que la mention du pouvoir discrétionnaire dans l'arrêté litigieux viserait uniquement le délai de départ volontaire, doit en tout état de cause être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme F..., épouse E... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F..., épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 janvier 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme F..., épouse E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... F..., épouse E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., épouse E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 20NC02777