Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03019 le 14 octobre 2020, Mme D... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 3 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé : il se borne à reproduire une motivation automatique, erronée, fallacieuse et stéréotypée, qui procède de l'affirmation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que l'arrêté contesté n'était pas fondé sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas été tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants qui ont suivi leur scolarité en France ; leur papa vit en France et est malade.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante algérienne née le 3 décembre 1976, est entrée régulièrement sur le territoire français le 13 mars 2013. Elle a sollicité, le 29 août 2019, son admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de la Marne. Par un arrêté du 3 octobre 2019, le préfet a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Mme B... fait appel du jugement du 29 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 octobre 2019 :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne les textes dont il fait application, notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. En outre, et alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation de l'intéressée, il précise que Mme B... s'est maintenue en France en situation irrégulière pendant plus de cinq ans avant de solliciter son admission exceptionnelle au séjour, qu'elle n'établit pas l'impossibilité pour ses enfants de poursuivre leur scolarité en Algérie, qu'elle reconnaît avoir divorcé en 2016 de M. C..., père de ses enfants, que ce dernier se maintenait lui-même en situation irrégulière en France à la date de la décision attaquée, que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie et que Mme B... ne pas prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Une telle motivation n'est pas stéréotypée, ni d'ailleurs erronée. L'arrêté litigieux comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme B..., avant de prendre l'arrêté contesté. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 13 mars 2013, à l'âge de 37 ans. Si elle résidait ainsi sur le territoire français depuis plus de six ans à la date de l'arrêté contesté, la durée de cette présence s'explique en grande partie par la circonstance qu'elle s'est maintenue en France en situation irrégulière pendant plus de cinq ans avant de solliciter son admission exceptionnelle au séjour. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents, ainsi que ses frères et soeurs. Par ailleurs, si elle affirme être mariée à M. C..., ressortissant algérien détenant un titre de séjour et père de ses deux enfants, elle admet être divorcée de M. C... depuis 2016 et ne conteste pas la mention de l'arrêté attaqué selon laquelle cette personne séjournait irrégulièrement sur le territoire français à la date de cet arrêté et n'avait donc pas vocation à rester en France. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux enfants de Mme B..., nés respectivement en 2006 et 2014, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie. Dans ces conditions, et alors qu'elle n'établit pas être la seule à pouvoir apporter son aide au père de ses enfants, qui conserve les séquelles d'un accident cardiovasculaire, ainsi qu'à ses beaux-parents, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., le préfet de la Marne n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables aux ressortissants algériens, nonobstant la circonstance que cet article est mentionné, parmi beaucoup d'autres, dans les visas de l'arrêté contesté.
7. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, si les deux enfants de Mme B... sont scolarisés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France. En outre, ainsi qu'il a été également dit plus haut, le préfet de la Marne a indiqué que le père des enfants séjournait irrégulièrement sur le territoire français et n'avait donc pas vocation à rester en France. Par suite, alors que l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de ses enfants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 3 octobre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC03019