Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03014 le 13 octobre 2020, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 14 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- sa motivation est stéréotypée, insuffisante et erronée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'article 41 de la charge des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;
- il n'est pas justifié de la saisine du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en charge de l'examen de son dossier, ni de la compétence du collège des médecins de l'OFII ayant émis un avis sur son dossier ; l'avis rendu par le collège des médecins ne comporte pas la signature lisible des médecins le composant ; il ne comporte aucune indication sur la nécessité de bénéficier d'une prise en charge, les conséquences d'un défaut de prise en charge, la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine et la durée prévisible de ce traitement ;
- la décision contestée méconnait l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- elle méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet ne s'est pas assuré que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et porte atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., ressortissante haïtienne, née le 4 décembre 1983, est entrée en France le 28 août 2012 et a bénéficié, en dernier lieu, d'un titre de séjour pour raisons de santé, expirant le 22 juin 2019. Le 14 mai 2019, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 14 octobre 2019, le préfet de la Marne a refusé ce renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 26 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision du préfet de la Marne refusant à Mme A... le renouvellement de son titre de séjour, qui n'est pas stéréotypée et ne comporte pas d'indications erronées, mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi d'ailleurs que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, par un avis du 29 août 2019, que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque. Alors que le préfet de la Marne n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de fait dont s'était prévalue la requérante à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, cette décision souligne également que l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle et personnelle qui l'empêcherait d'accéder au traitement médical dans son pays d'origine, que sa situation ne justifie pas l'octroi d'un titre de séjour pour des considérations humanitaires ou des circonstances exceptionnelles et qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux anciens, stables et intenses sur le territoire français. La décision litigieuse précise enfin que Mme A... ne démontre pas l'incapacité de sa fille à poursuivre sa scolarité hors de France et que ses parents et sa soeur vivent toujours dans son pays d'origine. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme A... avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
7. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
8. Si Mme A... soutient qu'elle a été privée du droit d'être entendue que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, elle ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été privée de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision contestée. En outre, il lui appartenait, lorsqu'elle a sollicité, le 14 mai 2019, le renouvellement de son titre de séjour, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle jugeait utiles au soutien de cette demande. Enfin, la requérante indique elle-même, dans ses écritures, que " l'ensemble des éléments réclamés par le préfet ont été communiqués, à savoir sur sa situation familiale et ses ressources ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et sont établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.
11. Il ressort des pièces communiquées par le préfet de la Marne, en particulier du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet par les services de l'OFII, produit en première instance, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme A... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 20 août 2019, par un premier médecin, le docteur Kack-Kack Joseph, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 29 août 2019, composé des Dr Mbomeyo, Douillard et Lancino. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, l'avis du 29 août 2019 comporte, au-dessus de leurs signatures, parfaitement lisibles, l'indication du nom et du prénom de chacun des trois médecins composant le collège, lesquels figurent par ailleurs sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale, annexée à la décision du directeur général de l'OFII du 18 juillet 2019, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
12. En cinquième lieu, il résulte de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'avis du collège de médecins de l'OFII doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement " et que " dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
13. Le préfet de la Marne a produit l'avis rendu le 29 août 2019 par le collège de médecins de l'OFII. Il ressort des mentions figurant sur cet avis que ce collège s'est prononcé sur l'ensemble des éléments qu'il lui incombait d'examiner par application de l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite et alors que le collège des médecins n'était pas tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement nécessité par l'état de santé de Mme A..., la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11 ° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
15. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
16. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une drépanocytose hétérozygote SC, pour laquelle elle suit un traitement associant médicaments et saignées et fait l'objet d'une surveillance régulière de son taux d'hémoglobine. Pour refuser à l'intéressée le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Marne s'est fondé notamment sur un avis émis le 29 août 2019 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que Mme A... pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par la requérante, notamment un courrier du Dr Tiemtore en date du 14 juin 2019, un compte rendu d'hospitalisation en date du 15 juin 2027 et des certificats médicaux très succincts établis en 2015 et 2016 par le Dr Noel, qui évoquent notamment des " crises douloureuses qui se règlent avec du repos et des antalgiques ", ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet de la Marne. Elles n'établissent pas davantage que le principe actif des médicaments prescrits à l'intéressée n'existerait pas en Haïti sous une autre appellation commerciale. Par ailleurs, la requérante ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'aucun traitement approprié ne serait disponible dans son pays d'origine, en se bornant à communiquer un article très général de l'OMS, intitulé " Stratégie de coopération " en Haïti, et des articles de journaux et revues traitant de la difficulté de l'accès aux soins en Haïti. Si la requérante soutient qu'à supposer même que les soins nécessités par son état de santé seraient disponibles dans son pays d'origine, elle ne disposerait pas des moyens d'y accéder, elle n'établit pas qu'il n'existerait pas en Haïti un dispositif d'aide lui permettant d'accéder à ces soins. Par suite et alors qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de la Marne se serait estimé lié par le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
18. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 28 août 2012. Si elle résidait ainsi sur le territoire français depuis plus de sept ans à la date de la décision contestée, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique en partie par la circonstance qu'elle avait bénéficié depuis 2015 de titres de séjour temporaires pour raisons de santé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident notamment ses parents et sa soeur. Par ailleurs, si elle soutient que son compagnon, M. C..., qui a la qualité de réfugié et avec lequel elle a eue deux enfants, réside sur le territoire français, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, l'existence d'une vie commune avec l'intéressé, père de sa fille ainée née le 6 avril 2014 à Cayenne, ni même la présence de celui-ci en métropole. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. C... serait le père de la seconde fille de la requérante, née le 28 octobre 2016. Dans ces conditions, nonobstant la scolarisation de ses enfants en France, Mme A... n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
20. Compte tenu de ce qui a été dit au point 16 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet ne se serait pas assuré que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.
21. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 16 et 18 du présent arrêté, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire porte atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
22. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
23. Si la requérante soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, et compte tenu par ailleurs de ce qui a été dit au point 16 du présent arrêt, ce moyen ne peut qu'être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 14 octobre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
26. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC03014