Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02927 le 7 octobre 2020, Mme C... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation : elle a besoin d'une greffe de foie qui n'est pas possible dans son pays d'origine ; son état de santé s'est aggravé postérieurement à l'avis du collège de médecins de l'OFII ; elle perdrait une chance de bénéficier d'une greffe de foie, et donc de survie, si elle perdait son rang sur la liste nationale des malades en attente de greffe ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle se fonde sur une décision elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celles de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour Mme B..., tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 6 mai 2021, avant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante géorgienne née le 8 novembre 1975, est entrée en France le 13 avril 2018, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 décembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 septembre 2019. Elle a alors sollicité, le 4 mars 2019, un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 4 décembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme B... fait appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une hépatite auto immune au stade de cirrhose qui nécessite une greffe de foie et qu'elle est inscrite sur la liste nationale des malades en attente de greffe gérée par l'Agence de la biomédecine. Pour refuser à l'intéressée le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 25 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que Mme B... pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par la requérante, notamment les certificats médicaux des 17 juillet 2019 et 18 décembre 2019, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Si Mme B... affirme que le prélèvement d'organes post-mortem n'est pas pratiqué en Géorgie et que la législation géorgienne n'autorise que les greffes entre membres de la famille, le médecin conseil de l'Ambassade de France en Géorgie indique, dans un courrier en date du 25 mars 2016, qu'il n'existe " aucun problème " pour soigner les hépatites en Géorgie, que le gouvernement a lancé en avril 2015 un programme de diagnostic et de traitement de l'hépatite C entièrement remboursés par l'Etat, qui concerne tous les citoyens géorgiens, que plusieurs hôpitaux, dont les noms sont précisés, pratiquent les transplantations hépatiques, et que la surveillance biologique, le suivi des fibroses et de leur évolutivité, ainsi que le traitement antiviral des hépatites chroniques sont assurés dans plusieurs établissements, notamment au Centre national des maladies infectieuses de Tbillissi. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4, et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
9. Si la requérante soutient qu'elle risquerait, en cas de retour dans son pays d'origine, de subir des traitements inhumains et dégradants du fait de l'engagement politique passé de son mari, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle risquerait d'être personnellement exposée à de tels traitements en cas de retour en Géorgie. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme B... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 19 décembre 2018, confirmée par une décision de la CNDA en date du 20 septembre 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 décembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 20NC02927