Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2021, M et Mme E..., représentés par Me Martin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 novembre 2020 en tant qu'il rejette leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de transfert et d'assignation à résidence ;
2°) d'annuler les arrêtés de transfert et d'assignation à résidence du 8 octobre 2020 pris à leur encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de leur délivrer une attestation de demande d'asile justifiant de l'examen de leur demande d'asile par les autorités françaises ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés de transfert méconnaissent les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604-2013 au motif que leur exécution a pour effet de les séparer de leur fille B..., dont l'arrêté de transfert a été annulé ;
- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604-2013 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les arrêtés d'assignation à résidence sont dépourvus de base légale en raison de l'illégalité des décisions de transfert ;
- l'arrêté assignant à résidence Mme E... née G... impliquant la présentation concomitante de ses enfants mineurs à l'hôtel de police deux fois par semaine méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant au motif que les enfants sont dès lors absents de l'école deux matinées par semaine.
Le 27 mai 2021, la Cour a informé les parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation des décisions de transfert au motif que le délai d'exécution de ces décisions a expiré entrainant leur caducité et que dès lors, les autorités françaises deviennent responsables de l'examen de leur demande de protection internationale.
Par un mémoire du 30 septembre 2021 en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office par la Cour, la préfète du Bas-Rhin a indiqué que les arrêtés de transfert de l'ensemble de la famille aux autorités néerlandaises avaient été prolongés jusqu'au 4 mai 2021 puis exécutés en date du 29 mars 2021.
Par un mémoire en défense du même jour, la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, soulève l'irrecevabilité de la requête pour défaut de moyens nouveaux et à titre subsidiaire, à ce que la Cour rejette la requête par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. Elle soutient en outre que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la Cour a informé les parties le 3 février 2022 qu'elle était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation des arrêtés d'assignation à résidence en tant qu'ils les obligeaient à se rendre au commissariat deux fois par semaine en compagnie de leurs enfants mineurs alors que l'article 4 du dispositif du jugement attaqué du 4 novembre 2020 annule déjà ces arrêtés en tant qu'ils leur imposent de se présenter deux fois par semaine à l'hôtel de police de Nancy.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M et Mme E..., ressortissants géorgiens, sont entrés sur le territoire français le 17 août 2020 accompagnés de leurs trois enfants afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié le 3 septembre 2020. Les autorités néerlandaises ayant explicitement donné leur accord pour une reprise en charge le 24 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin par des arrêtés du 8 octobre 2020 a prononcé leur transfert et les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours avec obligation de se présenter à l'hôtel de police de Nancy deux fois par semaine. Les consorts E... font appel du jugement du 4 novembre 2020 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et d'assignation à résidence.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la préfète du Bas-Rhin :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Contrairement à ce que soutient la préfète en défense, la requête d'appel des consorts E... ne reproduit pas purement et simplement leur demande devant le tribunal administratif mais énonce de nouveau de manière précise une partie des critiques adressées à la décision dont l'annulation a été demandée au tribunal administratif et renferme directement une critique des motifs du jugement. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la préfète du Bas-Rhin est écartée.
Sur la légalité des arrêtés de transfert :
3. D'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que C... ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. D'autre part, il résulte de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. F... est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. C... décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".
5. Les requérants soutiennent que la préfète aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire en examinant leur demande d'asile compte-tenu de l'illégalité de la décision de transfert de leur fille B..., annulée par le jugement attaqué, qui a pour effet de séparer leur fille du reste de la famille. Toutefois, les premiers juges ont annulé l'arrêté de transfert de B... au motif qu'elle était mineure au moment de l'enregistrement de la demande d'asile de ses parents et que dès lors elle était incluse dans les arrêtés de transfert de ses parents, M. et Mme E..., applicables à l'ensemble de leurs enfants mineurs. A... en résulte que ces arrêtés n'ont donc pas pour effet de séparer leur fille du reste de la famille. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles précités doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant que B... était incluse dans la procédure de transfert de ses parents.
Sur la légalité des arrêtés portant assignation à résidence :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les arrêtés de transfert ne sont pas illégaux. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés portant assignation à résidence seraient dépourvus de base légale doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si Mme E... demande l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence en tant qu'il l'oblige à se présenter au commissariat de police accompagnée de ses enfants mineurs au motif qu'il serait contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il est constant que C... décision d'assignation à résidence a été annulée par le tribunal administratif en tant qu'elle lui imposait de se présenter deux fois par semaine à l'hôtel de police de Nancy. Or l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre la décision d'assignation à résidence en tant qu'elle lui imposait de se présenter deux fois par semaine à l'hôtel de police de Nancy sont, quel que soit le motif du jugement, irrecevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés de transfert et d'assignation à résidence en date du 8 octobre 2020. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. H... E..., à Mme D... E... née G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin
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N° 21NC00547