Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03314 le 14 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'ayant pas été lue en audience publique durant la période de confinement, le préfet ne pouvait prendre un arrêté portant obligation de quitter le territoire avant la notification de la décision de la CNDA sans méconnaître le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 743-1 du même code ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision lui refusant un titre de séjour étant illégale, la décision fixant son pays de renvoi se trouve privée de base légale et doit être annulée par voie de conséquence ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 26 juillet 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 novembre 2018, confirmée le 11 mars 2020 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 7 mai 2020, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 20 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 mai 2020 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :(...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L.743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.(...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 de ce code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 mai 2020 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français a été pris à la suite du rejet définitif, le 11 mars 2020, du recours formé par l'intéressé devant la CNDA, en application des dispositions combinées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 743-1 du même code. Il résulte des dispositions de ces articles que le rejet définitif de sa demande d'asile a eu pour effet par lui-même, à compter de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, de mettre fin au droit au séjour qu'il tenait de son attestation de demande d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, la lecture en audience publique des décisions rendues par la CNDA durant la période de confinement n'a été suspendue qu'à partir du 14 mars 2020 alors que la décision de cette cour le concernant a été lue en audience publique le 11 mars 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait obligé M. B... à quitter le territoire français en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B... est entré en France selon ses déclarations, le 26 juillet 2018, soit depuis deux ans à la date de la décision contestée. S'il se prévaut de sa relation avec une compatriote nigériane en situation régulière, mère d'une fille de deux ans, leur vie commune n'est établie qu'à compter de l'année 2019. En outre, si l'intéressé soutient être présent auprès de l'enfant de sa concubine, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait, de quelque manière que ce soit, contribué à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Au demeurant, l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où vit notamment son père et ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il l'a obligé à quitter le territoire français. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pas plus qu'il n'a commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
6. En premier lieu, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 7 mai 2020 ne comporte aucune décision portant refus de séjour. Par suite, le requérant ne saurait exciper, à l'encontre de la décision fixant son pays de renvoi, de l'illégalité d'une décision de refus de séjour.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.".
8. M. B... soutient qu'il craint d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance à l'ethnie Igbo et de son militantisme politique au sein du mouvement des peuples autochtones du Biafra (IPOB), notamment depuis sa participation à une manifestation de ce mouvement en mai 2016, au cours de laquelle son frère aurait été tué et après laquelle il aurait été arrêté puis détenu arbitrairement à deux reprises par les autorités nigérianes. Il ressort toutefois des décisions concordantes de l'OFPRA et de la CNDA que la demande d'asile de M. B... a été rejetée aux motifs que celui-ci n'avait pas été en mesure d'exposer l'idéologie, l'organisation, les orientations politiques et l'actualité du mouvement IPOB, dont il disait pourtant avoir été le vice-président à Agbor, et qu'il n'avait formulé que des déclarations convenues, dépourvues d'éléments concrets, tant sur le récit de la mort de son frère que sur ses propres conditions de vie en clandestinité, la réalité de ses arrestations ne pouvant, dans ces conditions, être tenue pour établie. Si l'intéressé produit de nouvelles pièces devant la cour administrative d'appel, notamment une copie de sa carte d'adhérent à l'IPOB, un document, présenté comme un avis de recherche, émanant de la police nigériane et précisant qu'il est recherché depuis le 1er juillet 2016, un courrier du 18 mai 2020 établi par une personne se présentant comme conseil des membres de l'IPOB évoquant des arrestations arbitraires par la police nigériane dont celle de M. B... et une attestation notariée du 25 août 2016 confirmant les dires de l'intéressé au sujet de ses activités militantes et des persécutions subies, ces documents, dépourvues de garantie d'authenticité et de valeur probante, ne permettent pas d'établir le bien-fondé des craintes de l'intéressé d'être personnellement l'objet de traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction de M. B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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