Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, et un mémoire, enregistré le 10 juillet 2019, M. B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2019 en tant que le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'auteur de l'arrêté contesté ne bénéficiait pas d'une délégation régulière de signature ;
- la décision est illégale dès lors que la décision de retrait de titre de séjour a été annulée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité du retrait de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
- l'auteur de l'arrêté contesté ne bénéficiait pas d'une délégation régulière de signature ;
- elle est illégale en raisons de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2019, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 1er octobre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever le moyen tiré du défaut de base légale des décisions contestées.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme D..., présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, est entré en France le 17 avril 2012. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de l'Essonne, en raison de sa minorité déclarée. M. B... s'est vu délivrer deux titres de séjour temporaires valables du 23 février 2015 au 22 février 2016 et du 23 mars 2016 au 22 mars 2017 puis une carte temporaire pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " valable du 23 mars 2017 au 22 mars 2021. Par un arrêté du 27 février 2019, le préfet de l'Yonne lui a retiré son titre de séjour en cours de validité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 6 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a réservé les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour dans l'attente de leur examen par une formation collégiale du tribunal. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 février 2019 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Par l'arrêté du 27 février 2019, le préfet de l'Yonne a retiré le titre de séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de façon concomitante. L'arrêté du 27 février 2019 mentionne que, le requérant ayant fait l'objet d'un retrait de titre, " il convient de l'obliger à quitter le territoire français sans délai " dès lors que " Monsieur C... B... n'a pas le droit de séjourner en France ". Ainsi, et alors même que l'arrêté du 27 février 2019 ne vise pas les dispositions précises sur le fondement desquelles la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai a été prise, la décision portant retrait de titre de séjour constitue la base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement devenu définitif du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 27 février 2019 par laquelle le préfet de l'Yonne a retiré le titre de séjour de M. B.... Dans ces conditions, la décision du 27 février 2019 par laquelle le préfet a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, et par voie de conséquence, la décision du même jour par laquelle le préfet lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans sont privées de base légale.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 27 février 2019 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de l'Yonne délivre un titre de séjour à M. B..., mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Yonne de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901570 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 février 2019 en tant que le préfet de l'Yonne a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
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N° 19NC01626