Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019, M. C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 17 février 2015 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du Code civil dès lors que le préfet a estimé à tort que les actes de l'état civil produits par le requérant sont frauduleux ;
-il méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme E..., présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant angolais, est entré en France en mars 2009. Il a bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " salarié " valable du 2 août 2012 jusqu'au 1er août 2013, puis d'autorisations provisoires de séjour valables du 14 novembre 2013 jusqu'au 13 mai 2014 et du 24 juin 2014 jusqu'au 23 septembre 2014. Le 9 décembre 2014, Monsieur C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par une décision du 17 février 2015, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour. Le recours gracieux présenté par l'intéressé a été rejeté par décision du 2 septembre 2015. M. C... fait appel du jugement du 8 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Enfin, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un extrait d'acte de naissance et une copie de son passeport.
4. Le préfet du Haut-Rhin a refusé d'examiner la demande de titre de séjour déposée par M. C... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que ce dernier n'avait pas présenté les documents justifiant de son état civil. Il est vrai que, si au moment de son arrivée en France, M. C... s'est présenté sous l'identité de M. D... C..., ses noms et prénoms ne figuraient pas dans cet ordre sur son passeport daté du 12 janvier 2012 établi sur la base de son acte de naissance. En outre, il ressort des pièces du dossier que lors de sa demande de titre de séjour du 9 décembre 2014, M. B... a transmis à la préfecture un nouveau passeport daté du 19 août 2014, sur lequel ses nom et prénoms étaient encore inversés, malgré l'invitation du préfet à rectifier cette erreur dans un courrier du 28 août 2013.
5. Toutefois, M. C... fait valoir sans être contredit que cette erreur réitérée des autorités angolaises serait imputable au fait que son extrait d'acte de naissance, sur la base duquel les deux passeports mentionnés ci-dessus ont été établis, ne fait pas de distinction entre ce qui est son nom et ce qui constitue ses prénoms. De plus, le requérant produit à l'appui de ses allégations un récépissé de sa demande de passeport sur lequel son nom et ses prénoms figurent également de façon indifférenciée. En conséquence, M. C... ne peut être regardé comme ayant manqué à l'obligation qui lui est faite de présenter les indications relatives à son état civil. Si le préfet du Haut-Rhin soutient que les documents produits par l'intéressé sont suspects, il n'établit pas avoir effectué des démarches, notamment auprès des autorités angolaises, pour en vérifier l'authenticité. Ainsi, le caractère frauduleux des documents produits à l'appui de la demande n'est pas avéré.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 et de la décision du 2 septembre 2015 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet du Haut-Rhin délivre un titre de séjour à M. C..., mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600328 du 8 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet du Haut-Rhin du 17 février 2015 et du 2 septembre 2015 sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. F... B... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. F... B... C..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin
2
N° 19NC02200