Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03131 le 1er novembre 2019, Mme A... B..., épouse C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 août 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du BasRhin des 9 et 14 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du BasRhin de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile suivant la procédure normale valant autorisation provisoire de séjour en France, dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, dès lors, d'une part, que le délai imparti à la France pour exécuter la mesure de transfert était expiré à la date de la notification de l'arrêté contesté et, d'autre part, que c'est à tort que le préfet l'a déclarée en fuite.
La requête a été communiquée au préfet du BasRhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B..., épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... épouse C..., ressortissante azerbaidjanaise, est entrée irrégulièrement en France en novembre 2018, accompagnée de ses quatre enfants mineurs, pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Le relevé de ses empreintes ayant mis en évidence qu'elle avait déjà sollicité l'asile en Allemagne, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes, le 30 novembre 2018, d'une demande de reprise en charge de l'intéressée. Les autorités allemandes ont donné leur accord à cette reprise en charge le 21 décembre suivant. Par un arrêté du 9 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de Mme B... épouse C... aux autorités allemandes et par un arrêté du 14 janvier 2019, il l'a assignée à résidence. Mme B..., épouse C... fait appel du jugement du 30 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision de transfert :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné la remise de Mme B..., épouse C... aux autorités allemandes est intervenu moins de six mois après la décision en date du 21 décembre 2018 par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour sa réadmission. Ce délai a été prolongé en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, dès lors que l'intéressée a été déclarée en fuite à la suite d'une absence répétée aux convocations en préfecture des 29 mars et 9 avril 2019, et que le préfet de Meurthe-et-Moselle a informé les autorités allemandes du report du délai de transfert à 18 mois en application de ces dispositions. A cet égard, si la requérante affirme qu'elle est domiciliée à la PADA, à Strasbourg, depuis son premier enregistrement en préfecture, et que les deux convocations des 29 mars et 9 avril 2019 ont été envoyées à une autre adresse, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que l'administration aurait envoyé ces deux convocations à une adresse différente de celle qu'elle avait communiquée aux services de la préfecture. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle était fondé à la regarder comme étant en fuite. Par suite, l'arrêté de transfert contesté ayant été notifié le 21 août 2019 à Mme B..., l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'à la date de la notification de cet arrêté, le délai imparti à la France pour exécuter la mesure de transfert était expiré, et que les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été ainsi méconnues.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B..., épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du BasRhin des 9 et 14 janvier 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du BasRhin de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile suivant la procédure normale valant autorisation provisoire de séjour en France, dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B..., épouse C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B..., épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du BasRhin.
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N° 19NC03131