Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01435 le 3 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 juin 2020 en toutes ses dispositions ;
2°) de rejeter la demande de M. F....
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- le jugement passe sous silence les conditions d'entrée et de séjour irrégulières du demandeur ;
- le jugement n'a pas suffisamment apprécié le caractère récent et précaire du lien de l'intéressé avec sa compagne ;
- le jugement a ignoré les attaches anciennes et intenses de l'intéressé au Cameroun ;
- le jugement a insuffisamment pris en compte le défaut d'intégration de l'intéressé en France ;
- les moyens soulevés en première instance par M. F... n'étaient pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, M. F... représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
II- Par une requête n° 20NC01436, enregistrée le 3 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'ordonner la suspension de l'exécution du jugement du 29 juin 2020.
Il présente les mêmes moyens que dans sa requête n° 20NC01435.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, M. F... représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.
- les moyens soulevés par le requérant ne peuvent paraître sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,
- et les observations de Me D... pour M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., né le 3 janvier 1988, de nationalité camerounaise, déclare être entré en France le 23 août 2015. Un passeport lui a été délivré par les autorités camerounaises pour la période du 24 novembre 2015 au 24 novembre 2020. Il a sollicité en juin 2019 la délivrance d'un titre d'un titre de séjour, en précisant que sa situation relevait de la vie privée et familiale. Par une décision en date du 6 mars 2020, notifiée le 17 mars 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. F... a demandé l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 6 mars 2020 et enjoint à ce dernier de délivrer à M. F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour. Par deux requêtes distinctes, le préfet du Haut-Rhin, d'une part, relève appel de ce jugement et, d'autre part, demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.
2. Les requêtes n° 20NC01435 et n° 20NC01436, présentées par le préfet de Meurthe-et-Moselle, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
4. M. F..., entré irrégulièrement en France le 23 août 2015 selon ses déclarations, se prévaut, à l'appui de sa demande de titre de séjour, d'un pacte civil de solidarité conclu le 22 mai 2018 avec Mme A... C..., ressortissante française. Il ressort des nombreuses pièces produites par l'intéressé, consistant en des factures de divers organismes, courriers de son assureur, courriers de la caisse primaire d'assurance maladie, déclaration de revenus et attestations circonstanciées qu'il justifie d'une vie commune en France avec Mme C... depuis au moins 2017. Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet de douter de la sincérité et de la stabilité de la relation de M. F... avec sa compagne qui, en qualité de ressortissante française, a vocation à rester sur le territoire, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la différence d'âge du couple. Dans ces conditions, la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle a, dans les circonstances particulières de l'espèce, en dépit de la présence au Cameroun de membres de la famille du requérant et de deux enfants qu'il dit ne pas avoir reconnus, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 6 mars 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. F... un titre de séjour.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement :
6. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20NC01435 du préfet de Meurthe-et-Moselle tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 juin 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20NC01436 par laquelle le préfet de Meurthe et Moselle sollicitait de la cour le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. E... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC01436.
Article 2 : La requête n° 20NC01435 du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
2
N° 20NC01435-20NC01436