Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°19NC00314 le 29 janvier 2019, complétée par un mémoire enregistré le 4 août 2020, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 30 juin 2015 et 31 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Wickerschwihr une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté du 30 juin 2015 :
- le recours contre cet arrêté n'était pas tardif ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, en l'absence de procédure contradictoire ;
- la fraude alléguée par le maire n'est pas établie ;
- l'arrêté contesté est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'arrêté du 31 mars 2016 :
- la demande de pièces complémentaires n'a pas été sollicitée dans le délai d'un mois suivant le 20 novembre 2015 et n'a pas pris la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception ou d'un mail ; il peut en tout état de cause se fonder sur un permis de construire tacite ;
- la demande de pièces complémentaires n'était pas fondée ;
- la demande de permis de construire est conforme à l'article UX1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; la commune a admis les contradictions figurant dans le PLU et a tenté de faire croire qu'il s'agirait " d'une coquille ", ce qui démontre sa mauvaise foi ;
- c'est la société voisine du projet de M. B... qui est dans l'illégalité, de sorte que la commune ne saurait sérieusement s'appuyer sur l'existence de cette activité pour justifier un refus à M. B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, la commune de Wickerschwihr, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête dirigée contre l'arrêté du 30 juin 2015 est irrecevable pour tardiveté ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour M. B..., ainsi que celles de Me A..., pour la commune de Wickerschwihr.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 août 2012, le maire de Wickerschwihr a délivré à M. C... B... un permis de construire un local professionnel avec logement de fonction, sur un terrain situé rue du Nord. Il a toutefois retiré cette autorisation, par un arrêté du 30 juin 2015, au motif que le pétitionnaire avait fait une fausse déclaration relative à son activité professionnelle. Le 20 novembre 2015, M. B... a sollicité un permis de construire un bâtiment destiné à une activité de traiteur avec livraison à domicile et un logement de fonction. Le maire a refusé de lui délivrer cette autorisation, par un arrêté du 31 mars 2016, au motif, d'une part, que l'article Ux1 du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 27 octobre 2015 interdisait toute construction à usage d'habitation dans la zone considérée et, d'autre part, que l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était méconnu, dès lors que la construction projetée était contiguë au bâtiment situé sur la propriété voisine où s'exerce l'activité de la Compagnie Pétrolière de l'Est, installation classée pour la protection de l'environnement. M. B... fait appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés des 30 juin 2015 et 31 mars 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la requête dirigée contre l'arrêté du 30 juin 2015 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Il n'est pas contesté que l'arrêté du 30 juin 2015, qui ne mentionne pas les voies et délai de recours, a été notifié le 3 juillet suivant à M. B..., lequel a eu ainsi connaissance de cet arrêté dès cette date de notification. Si M. B... soutient que son recours gracieux du 19 septembre 2016 a interrompu le délai raisonnable pendant lequel peut s'exercer un recours contentieux, ce recours gracieux, présenté lui-même plus d'un an après la notification de l'arrêté, ne constitue pas une circonstance particulière qui justifierait le retard mis par l'intéressé dans l'exercice de son droit au recours, alors que le tribunal administratif n'a été saisi que le 19 septembre 2017, soit plus de deux ans après l'édiction de l'arrêté contesté. Par suite, c'est régulièrement que le tribunal administratif a jugé que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 30 juin 2015 étaient irrecevables, pour tardiveté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est irrégulièrement que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 30 juin 2015.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. " Aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Selon l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de :/ (...) c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire (...) ".
7. Si le courrier indiquant la liste des pièces manquantes doit être effectué par lettre recommandée avec avis de réception ou par la voie électronique, cette disposition ne rend pas irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes.
8. Il est constant que M. B... a déposé sa demande de permis de construire auprès de la mairie de Wickerschwihr le 20 novembre 2015. L'intéressé admet qu'une demande de pièces complémentaires, datée du 17 décembre2015, lui a été adressée et remise en mains propres, et il ressort des pièces du dossier que cette remise en mains propres est intervenue le 18 décembre 2015, ainsi qu'en atteste l'enveloppe signée par M. B.... A cet égard, il résulte des pièces du dossier et, notamment, de la comparaison de la signature apposée sur cette enveloppe avec celle portée sur la demande de permis de construire que cette signature est celle de l'intéressé. La demande de pièces complémentaires présentée à M. B..., notifiée ainsi dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande en mairie, a eu pour effet, en application des dispositions précitées, d'interrompre le délai d'instruction de trois mois qui a recommencé à courir à compter du 14 janvier 2016, date à laquelle l'intéressé a complété son dossier. Dès lors, l'arrêté contesté du 31 mars 2016 constitue une décision de refus de permis de construire et non une décision de retrait d'une décision qui aurait été tacitement acquise le 20 février 2016. Eu égard aux éléments mentionnés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la demande de pièces complémentaires n'a pas été sollicitée dans le délai d'un mois suivant le 20 novembre 2015, qu'elle n'a pas pris la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception ou d'un mail et que le requérant peut en tout état de cause se fonder sur un permis de construire tacite doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " La demande de permis de construire précise : (...) f) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; (...) h) Les éléments, fixés par arrêté, nécessaires au calcul des impositions ; (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Wickerschwihr avait réclamé deux pièces au pétitionnaire, dans sa demande datée du 17 décembre 2015 : d'une part, il lui avait demandé de préciser, sur le formulaire Cerfa N° 13409*04, page 13/14, cadre 1,4, " la profondeur de terrassement en mètres nécessaire à la réalisation du projet, au titre des locaux et des stationnements ", pour le calcul de la redevance d'archéologie préventive ; d'autre part, il lui avait demandé, afin de vérifier les surfaces déclarées, de faire apparaître, sur le plan masse des constructions à édifier ou à modifier, par une couleur différente, les surfaces dédiées à l'habitation et celles dédiées à l'artisanat, de fournir les plans en coupe de l'ensemble des niveaux (aménagement intérieur), de différencier la partie habitation de la partie artisanat, et de fournir des coupes ponctuelles supplémentaires si certaines parties du bâtiment ont une hauteur inférieure à 1,80 mètre.
11. Si M. B... soutient que les pièces complémentaires réclamées existaient déjà dans son dossier de demande initial, il ressort des pièces composant le dossier de demande de permis de construire que le cadre 1.4 du formulaire Cerfa ne mentionnait pas la profondeur exacte des terrassements nécessaires à la réalisation du projet pour le calcul de la redevance d'archéologie préventive, dès lors que M. B... avait inscrit " 0 " pour les locaux et " 6 " pour le stationnement. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que les pages 13/14 du formulaire CERFA rectifié que l'intéressé a communiquées le 14 janvier 2016 mentionnent une profondeur de 0,70 m au titre des locaux et 0,30 m au titre des emplacements de stationnement. Il ressort également des pièces du dossier de demande de permis de construire que le plan de masse figurant dans ce dossier ne permettait pas de vérifier la répartition des surfaces entre les activités d'artisanat et d'habitation. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande de pièces complémentaires n'était pas fondée doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article Ux1 du règlement du PLU de la commune applicable à la date de la décision attaquée : Occupation et utilisation du sol interdites : " Sont interdites : (...) Les constructions et installations à destination d'habitation et d'exploitation agricole et forestière (...) ".
13. Il ressort sans ambiguïté de ces dispositions que les constructions et installations à destination d'habitation sont interdites, qu'elles soient ou non le complément d'une activité artisanale. Dès lors, le maire de Wickerschwihr était fondé à refuser l'autorisation sollicitée, au motif que le projet de M. B... comprenait un logement de fonction à destination d'habitation. Le requérant affirme que la commune aurait admis l'existence de contradictions dans le PLU en tentant de faire croire qu'il s'agissait " d'une coquille ", ce qui démontrerait sa mauvaise foi. Toutefois, d'une part, à les supposer avérés, ces prétendues contradictions n'affectent pas la rédaction de l'article Ux1 du règlement du PLU, dont les termes sont clairs et, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait fait preuve en l'espèce de mauvaise foi. Par suite, nonobstant la circonstance que M. B... est artisan et qu'il a bénéficié d'une autorisation d'urbanisme en 2012, après avoir bénéficié d'un certificat d'urbanisme dédié à son projet de construction le 25 septembre 2011, le moyen tiré de ce que la demande de permis de construire serait conforme à l'article UX1 du règlement du PLU doit être écarté.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
15. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
16. Il est constant que la construction projetée par M. B... est contiguë au bâtiment situé sur la propriété voisine, où s'exerce l'activité de la Compagnie Pétrolière de l'Est, installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), qui y stocke des liquides inflammables et du gaz inflammable liquéfié. La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine a estimé, dans un avis du 3 février 2016, qu'il existait un réel danger pour le projet, en raison de sa proximité avec cette ICPE qui, du fait de son ancienneté, n'a jamais eu à se mettre en conformité avec les prescriptions constructives, notamment l'obligation de respecter une distance de 30 m aux limites respectives en cas de stockage aérien. L'existence du danger est confirmée par le SDIS du Haut-Rhin, qui souligne dans un courrier du 14 juin 2016 "qu'il est possible, qu'en cas d'accident, des effets impactent le bâtiment voisin situé au n°3A rue du Nord et construit récemment, en particulier, le risque de propagation d'un incendie à la nouvelle construction est réel. Le SDIS estime raisonnable qu'une distance minimale de 30 mètres soit laissée entre la limite de propriété et cette nouvelle construction (cette distance est également demandée par la DREAL) ". Or, il ressort des pièces du dossier que cette distance minimale de sécurité de 30 mètres est impossible à respecter, compte tenu de l'emprise du terrain d'assiette du projet, le bâtiment de la Compagnie Pétrolière de l'Est étant implanté en bordure Sud du terrain de M. B.... Dans ces conditions, le maire de Wickerschwihr était fondé à refuser l'autorisation sollicitée, pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande de permis de construire ne méconnaît pas ces dispositions doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 31 mars 2016.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Wickerschwihr, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Wickerschwihr au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune de Wickerschwihr la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Wickerschwihr.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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