Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 juin 2019 et le 20 juin 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa demande et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle est rédigée d'une façon stéréotypée ;
- il appartient au préfet de justifier de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine du requérant ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du même code ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme D..., présidente-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant nigérian, entré selon ses déclarations, sur le territoire français le 4 janvier 2010, s'est vu délivrer le 28 avril 2014 un titre de séjour sur le fondement de son état de santé, régulièrement renouvelé jusqu'au 15 mai 2017. Par un arrêté du 10 décembre 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. C... fait appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. La décision contestée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, reprend l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 17 mai 2018 et précise que M. C... n'a pas fait état, auprès des services de la préfecture, de circonstances de nature à justifier qu'un défaut de prise en charge lui serait préjudiciable ou qu'il n'aurait pas accès à un traitement médical adapté dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision qui n'est pas stéréotypée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée n'est dès lors pas fondé.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet s'est fondé sur l'avis rendu le 17 mai 2018 par le collège de médecins de l'OFII. Or, selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque vers son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Si le requérant soutient qu'il n'aurait pas accès à un traitement approprié à son état de santé au Nigéria, ni le rapport médical qui aurait été établi dans son pays d'origine par le Dr. Tunde Akiwumi le 10 avril 2008, plus de neuf ans avant l'édiction de la décision en litige, ni le certificat médical établi le 23 mai 2019 par le Dr. Emmanuel Morana, médecin généraliste, et le certificat médical établi le 3 juin 2019 par Dr. Jean-Claude Péchenet, médecin généraliste, qui ne se prononcent pas sur la disponibilité du traitement de l'intéressé au Nigéria, ne suffisent à le démontrer. En outre, le profil établi par l'Organisation mondiale de la santé pour le diabète au Nigéria produit par le requérant ne comporte pas la liste des médicaments disponibles dans ce pays. M. C... fait également valoir qu'il n'aurait pas les capacités financières de se procurer les médicaments dont il a besoin. Toutefois, il ne produit aucune pièce relative au prix de ces médicaments ou à la situation économique dans laquelle il se trouverait personnellement au Nigéria. M. C... ne remet ainsi pas utilement en cause l'appréciation portée par le préfet sur l'existence d'un traitement approprié au Nigéria et sur son accès effectif à ce traitement. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Pour les mêmes motifs, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. La méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux étrangers qui en remplissent les conditions, ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. M. C... ne saurait non plus utilement se prévaloir des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet n'avait pas à examiner d'office s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un tel titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. C... soutient qu'il se trouvait en France depuis plus de huit ans à la date de la décision contestée, il n'était toutefois en situation régulière sur le territoire français que depuis quatre ans et huit mois. M. C... fait valoir qu'il a travaillé pendant quatre ans. Toutefois, il ne justifie pas d'une intégration particulière en France. En outre, il n'est pas contesté que sa compagne, également de nationalité nigériane, séjourne illégalement sur le territoire français. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale composée du requérant, de sa compagne et de leur enfant né en France le 25 mai 2016 ne pourrait pas se reconstituer en dehors du territoire français. Dans ces conditions, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Le préfet ne peut légalement obliger un étranger à quitter le territoire français si celui-ci réunit les conditions d'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la décision contestée ne porte pas au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et qu'ainsi l'intéressé ne relève pas du cas d'attribution de plein droit d'une carte de séjour prévu au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant en obligeant ce dernier à quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander ni l'annulation du jugement du 7 mai 2019 ni celle de l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent elles aussi qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC01851