Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019, sous le n° 19NC02336, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour a été pris par une autorité incompétente ;
- il méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination a été pris par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme D..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne, est, selon ses déclarations, entrée en France le 28 décembre 2012, munie d'un visa touristique de court séjour. En raison de son mariage avec un ressortissant français, elle s'est vu délivrer un certificat de résidence en qualité de conjoint de français, valable du 17 mai 2013 au 16 mai 2014. Par arrêté notifié le 16 juillet 2014, le préfet a refusé de renouveler ce certificat de résidence, la communauté de vie entre les époux ayant cessé et une procédure de divorce étant en cours, Mme C... a sollicité un certificat de résidence en qualité d'étranger malade le 20 octobre 2014. Par un arrêté notifié le 11 mai 2015, le préfet a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mars 2018, enjoignant au préfet de réexaminer la situation de l'intéressée. Par un nouvel arrêté du 12 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à l'expiration de ce délai. Mme C... relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :
2. Par un arrêté du 20 septembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin du 21 septembre 2016, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de ceux pour lesquels une délégation a été donnée à un chef de service de l'Etat dans le département, des mesures générales concernant la défense nationale, la défense interne du territoire, les réquisitions de la force armée et enfin les arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser d'admettre Mme C... au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 5 septembre 2018. Or, il résulte de cet avis que, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de l'Algérie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Mme C... fait valoir qu'elle a été atteinte d'un carcinome séreux de haut grade, opéré en 2014, en raison duquel elle fait encore l'objet d'un contrôle semestriel via un appareil PET scan. Elle affirme également souffrir d'un état dépressif majeur d'intensité grave avec idées suicidaires, pour lequel elle bénéficie d'une psychothérapie. Toutefois, si la requérante allègue qu'elle ne pourrait pas être prise en charge de façon adéquate dans son pays d'origine compte tenu de l'insuffisance des structures médicales, elle ne l'établit pas en produisant des articles de presse dont il ne ressort pas qu'elle ne pourrait bénéficier d'un suivi à la fréquence nécessaire. De même, eu égard également aux termes dans lesquels ils sont rédigés, les certificats médicaux versés au débat ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité administrative quant à la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et à la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Enfin, si Mme C... se prévaut d'avoir noué un lien particulier avec son thérapeute actuel, elle ne justifie pas qu'une thérapie dans son pays d'origine ne pourrait pas être suivie avec la même relation de confiance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de stipulations expresses en ce sens, d'examiner si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'autres stipulations de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation. Dès lors que la demande de titre de séjour de Mme C... était fondée sur les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que le préfet n'a pas examiné son droit au séjour au titre des stipulations du 5° de l'article 6 de cet accord, la requérante ne peut utilement soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu ces dernières stipulations.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme C... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2012 ainsi que de celle d'un de ses frères. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... serait isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. A cet égard, si elle affirme qu'en raison de son divorce, elle n'entretiendrait plus de relations avec son père, son frère et sa soeur résidant en Algérie, elle ne produit aucun élément susceptible de le démontrer. De même, et bien qu'elle soutienne avoir développé des relations amicales d'une particulière intensité et avoir travaillé pendant plusieurs années en France, Mme C... n'établit pas une insertion particulière dans la société française dès lors qu'elle ne verse aucun élément probant au dossier. En outre, la circonstance qu'elle serait désormais mariée avec un ressortissant français, postérieure à la date de la décision contestée, est sans incidence sur la légalité de celle-ci. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'a pas établi l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie d'exception.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, lorsque la loi prescrit que l'étranger doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 9, dès lors que l'argumentation n'est pas différente de celle développée à l'appui de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la requérante n'établit pas qu'elle aurait dû se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle ne l'établit pas davantage, eu égard à ce qui a été indiqué au point 6, concernant l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû se voir attribuer un titre de séjour de plein droit et que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait, en conséquence, pas prononcer une mesure d'éloignement à son encontre.
14. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 9, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes également de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, Mme C... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 16 avril 2019 ni celle de l'arrêté du 12 novembre 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 19NC02336