Par un arrêt n° 17NC03033 du 26 février 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de M. B... contre le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 octobre 2017.
Par une décision n° 430129 du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et renvoyé à celle-ci le jugement de l'affaire.
Procédure devant la cour :
Par deux mémoires enregistrés les 8 octobre 2020 et 22 mars 2021, M. B..., représenté par Me Gervais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 octobre 2017 ;
2°) de condamner solidairement la commune de Cormontreuil et le département de la Marne à lui verser :
- 369 711,70 euros en réparation du préjudice économique subi résultant des travaux de voirie entrepris au sein de la commune de Cormontreuil ;
- 30 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de ces travaux ;
- 99 000 euros en réparation du préjudice matériel résultant de ces travaux ;
3°) de condamner solidairement la commune de Cormontreuil et le département de la Marne à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Cormontreuil et du département de la Marne la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt à agir ;
- les travaux réalisés rue Victor Hugo à Cormontreuil à la fin de l'année 2009, puis à compter du mois de juin 2011 lui ont causé un dommage anormal et spécial de nature à engager la responsabilité solidaire de la commune de Cormontreuil et du département de la Marne à son égard ;
- ces travaux ont été pour lui la cause directe de préjudices économique, moral et matériel, pouvant être évalués, respectivement, à 369 711,70 euros, 30 000 euros et 99 000 euros ;
- subsidiairement, la responsabilité pour faute de la commune de Cormontreuil est engagée en raison des changements décidés par celle-ci quant à l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies, qui ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains de la voie publique à son commerce.
Par un mémoire, enregistré le 27 octobre 2020, la commune de Cormontreuil, représentée par Me Guérin, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2020, le département de la Marne, représenté par Me Phelip, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable comme ayant été présentée postérieurement à l'expiration du délai d'appel ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gervais, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., boulanger-pâtissier, a acquis le 24 août 2004 un fonds de commerce situé au 21 rue Victor Hugo à Cormontreuil et a développé son activité par l'acquisition de deux nouveaux fonds le 15 février 2007 et le 15 février 2011, situés respectivement 5 avenue du Roussillon à Cormontreuil et 1 rue Brûlart à Reims. M. B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Cormontreuil et du département de la Marne à lui verser une somme de 498 711,70 euros en réparation des préjudices économiques, matériel et moral que lui ont causés les travaux publics réalisés à proximité de son établissement principal du 21 rue Victor Hugo à Cormontreuil. Par un jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt du 26 février 2019, la présente cour a confirmé ce jugement. Par une décision du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat, sur le pourvoi de M. B..., a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.
Sur la responsabilité solidaire du département de la Marne et de la commune de Cormontreuil à raison des travaux réalisés en 2009 et 2011 :
2. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'un programme de travaux sur la route départementale n° 8 et dans le centre-ville de la commune de Cormontreuil, des aménagements de la voirie et des trottoirs de la route de Taissy ont été réalisés de juin à novembre 2009 et que les derniers travaux de cette opération, réalisés pendant près de sept mois en 2011, ont notamment concerné la réfection de la rue Victor Hugo, où se trouve le premier établissement de M. B.... S'il est constant que les travaux en cause ont, à deux reprises et pendant une période de plusieurs mois, empêché la circulation automobile dans la rue Victor Hugo, limité les possibilités de stationnement à proximité immédiate du commerce de M. B... situé dans cette rue et rendu incommode le cheminement des piétons vers l'entrée de ce commerce, l'accès de la clientèle à ce magasin est cependant toujours resté possible, sans qu'il soit par ailleurs établi que cet accès aurait été rendu exceptionnellement difficile aux piétons comme aux automobilistes pendant la totalité ou une partie significative de la période de réalisation de ces travaux. Il résulte par ailleurs des documents comptables produits par le requérant que la baisse de son chiffre d'affaire et de son résultat d'exploitation à compter de 2009, d'une part, concerne l'activité cumulée des trois points de vente de son exploitation, sans que les documents produits permettent d'appréhender, pour l'ensemble des années concernées, la situation particulière du point de vente de la rue Victor Hugo, d'autre part, n'est que partiellement concomitante aux périodes de travaux de 2009 et de 2011, la première baisse significative du chiffre d'affaire et du résultat d'exploitation depuis 2004 pouvant être constatée au cours de l'exercice comptable clos au 30 juin 2011, dont la période est postérieure à celle des travaux de 2009, qui avait elle-même été suivie d'une progression du chiffre d'affaire, et antérieure, à l'exception du mois de juin, à celle des travaux réalisés en 2011.
3. Ainsi, et alors qu'il résulte de l'instruction que l'activité de M. B... a également subi l'impact de la création d'un troisième point de vente en 2011 ainsi que du développement de la zone commerciale voisine, concurrente des petits commerces du centre-ville, il n'est pas établi que les difficultés d'accès à la boulangerie située rue Victor Hugo et la baisse de fréquentation directement imputables aux travaux litigieux aient excédé les sujétions que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter sans indemnité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation solidaire du département de la Marne et de la commune de Cormontreuil à l'indemniser des préjudices économiques, matériel et moral résultant, selon lui, des travaux réalisés à proximité de son commerce en 2009 et 2011.
Sur la responsabilité de la commune de Cormontreuil à raison des changements intervenus dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies à la suite des travaux de 2011 :
4. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.
5. D'une part, si M. B... fait état des changements décidés par la commune de Cormontreuil quant à la direction et l'aménagement des rues environnant son commerce et du classement en sens unique de la rue Victor Hugo où se trouve celui-ci, postérieurement aux travaux réalisés en 2011, ainsi que des conséquences qui en résultent pour l'accès des clients à son commerce, de tels changements ne sont pas, par eux-mêmes, constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Cormontreuil.
6. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les changements décrits au point précédent aient été de ceux qui interdisent ou rendent excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique. Ils ne sauraient dès lors constituer un dommage anormal et spécial susceptible d'engager la responsabilité sans faute de la commune.
7. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Cormontreuil à l'indemniser des préjudices économique, matériel et moral invoqués.
Sur la demande de condamnation pour résistance abusive :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation solidaire du département de la Marne et de la commune de Cormontreuil à lui verser la somme de 5 000 euros pour résistance abusive.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Marne et de la commune de Cormontreuil, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Marne et la commune de Cormontreuil au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Marne et la commune de Cormontreuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au département de la Marne et à la commune de Cormontreuil.
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N° 20NC02104