Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, M. A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juin 2020 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 mars 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale, dès lors qu'il pouvait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
- la décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- la décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense du 7 septembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a conclu au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M.A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 7 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne, entré en France le 13 mars 2018 muni d'un visa court séjour délivré à Malte, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 25 septembre 2018, refusée le 15 novembre suivant et confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1807879 du 15 mai 2019. Convoqué le 13 juin 2019 pour être assigné à résidence, il ne s'est pas présenté et a été déclaré en fuite. A la suite d'une interpellation par les services de police de Mulhouse le 9 mars 2020, il a fait l'objet le 10 mars d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, annulée en première instance, et d'une assignation à résidence. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juin 2020 rejetant ses conclusions aux fins d'annulation des décisions du 10 mars 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant son pays de destination et l'assignant à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
3. M. A... fait valoir qu'il est en couple depuis plus d'un an avec une ressortissante française qui étudie à Strasbourg, qu'il dispose d'une promesse d'embauche du 10 mars 2018 en tant que commis de cuisine en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée dans un restaurant situé à Mulhouse, que quatre de ses sœurs vivent en France en situation régulière, dont l'une est de nationalité française et qu'il doit rester en France le temps que sa procédure de divorce auprès du tribunal judiciaire de Montpellier aboutisse. Toutefois, comme l'a justement relevé le tribunal, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet le 15 novembre 2018 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident encore ses parents et quatre autres de ses frères et sœurs et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, à la date de la décision attaquée, sa relation avec sa compagne était récente et aucune pièce au dossier ne permet d'établir une communauté de vie. En outre, il lui est toujours loisible de solliciter un visa afin de se présenter personnellement devant la juridiction judiciaire française qui le convoquera dans le cadre de sa procédure de divorce. Dans ces conditions, au regard de ses conditions de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions de plein droit pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, le préfet a pu légalement l'obliger à quitter le territoire français. Enfin pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
5. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)- 3° s'il existe un risque que l'étranger se soustraie cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ainsi qu'à son obligation de présentation dans le cadre de son assignation à résidence. Le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français doit ainsi être regardé comme établi, en application des dispositions précitées du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin pouvait légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Enfin pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi de M. A... méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit, en l'espèce, être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le magistrat désigné, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A..., soulevé à l'encontre de la décision portant assignation à résidence, doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 10 mars 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant son pays de destination et l'assignant à résidence. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur .
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N°20NC02617