Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00221 le 24 janvier 2020, Mme D... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me E... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante sénégalaise, née le 2 novembre 1984, est entrée en France le 3 septembre 2015, munie d'un visa de court séjour. Le 23 novembre 2017, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français, après la naissance de sa fille A... le 17 mars 2017. Par un arrêté du 21 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 3 septembre 2015, à l'âge de trente ans. Si elle résidait ainsi sur le territoire français depuis près de quatre ans à la date de l'arrêté préfectoral contesté, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique en partie par le fait qu'elle n'avait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement en date du 7 décembre 2015. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée récente en France et où résident notamment sa mère, son mari et son fils F... né en 2013. Par ailleurs, si elle affirme avoir développé depuis décembre 2016 une relation d'amitié avec un ressortissant français, M. B..., lequel se comporterait comme un grand-père à l'égard de sa fille A... née à Strasbourg en 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg a considéré, par un jugement du 22 janvier 2019, que la reconnaissance de la jeune A... par M. B... était frauduleuse et a condamné Mme C... à six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir fourni de fausses déclarations à une personne publique en vue d'obtenir un avantage indu. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Il ressort des pièces du dossier que la jeune A... est née à Strasbourg le 17 mars 2017 et qu'elle n'est pas encore scolarisée en France. En outre, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 6, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 juin 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC00221