Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00704 le 17 mars 2020, M. B... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 31 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle se contente de faire état du rejet de la demande d'asile par l'OFPRA et la CNDA ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Haut-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant centrafricain, né le 1er janvier 1948, est entré en France le 13 janvier 2018 selon ses déclarations, accompagné de son épouse. Le 9 mars 2018, il a sollicité le bénéfice du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 11 décembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 21 mai 2019. Le préfet du Haut-Rhin lui a fait alors obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, par arrêté du 31 juillet 2019. M. E... fait appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 21 septembre 2016, donné délégation à M. A..., secrétaire général, et en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à M. D..., sous-préfet de l'arrondissement de Mulhouse, pour signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département " à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière d'éloignement des étrangers. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est même pas allégué que M. A... n'aurait pas été absent ou empêché à la date de signature de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de D..., signataire de la décision attaquée, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision du préfet du Haut-Rhin obligeant M. E... à quitter le territoire français mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que l'intéressé a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA et par la CNDA et qu'il n'entre dans aucun des cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Elle relève en particulier que le séjour du requérant en France est récent, que M. E... n'a pas démontré être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine et que tous ses enfants sont majeurs. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
5. Si un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du même code, qui ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour aux étrangers qui en remplissent les conditions, ne saurait être utilement invoquée par les requérants à l'encontre des décisions les obligeant à quitter le territoire français. Au surplus, la circonstance que l'intéressé a été victime d'un accident vasculaire cérébral le 22 décembre 2016 et se trouve en situation de mobilité réduite n'est pas de nature à caractériser une erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet d'éventuelles considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit en tout état de cause être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
7. Si le requérant soutient qu'il a été notamment procureur général près la Cour de cassation et président de la Cour des comptes dans son pays d'origine et qu'il a subi des pressions, menaces et violences de la part de sa famille, jalouse de sa réussite, ainsi que de tous " ceux qui n'avaient pas la conscience tranquille ", il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Centrafrique. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. E... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 11 décembre 2018, confirmée par une décision de la CNDA en date du 21 mai 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 31 juillet 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen, doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
2
N° 20NC00704