M. C... B... a également demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet du Doubs a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pendant quarante-cinq jours, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2000434 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01110 le 14 mai 2020, M. B... représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000434 du 16 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet du Doubs a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Doubs pendant quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'existait pas de perspectives raisonnables d'éloignement ; c'est à la date de notification de la décision d'assignation à résidence qu'il convenait d'apprécier l'existence de ces perspectives ;
- les changements intervenus dans sa situation personnelle du fait de l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement et la naissance de son troisième enfant, justifiaient l'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01121 le 15 mai 2020, M. B... représenté par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1901810 du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours à compter de cette même notification et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'irrégularité en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour, à qui il appartenait de formuler un avis sur la contribution effective à l'entretien et à l'éducation des enfants, au sens du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'un vice de procédure ;
- cette décision méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 et le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- elle méconnaît aussi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions en date du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant comorien, est entré en France le 27 janvier 2019, sous couvert d'un visa C valable du 21 janvier au 6 avril 2019. Le 7 février 2019, il a sollicité du préfet du Doubs la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfants français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 juin 2019, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 10 février 2020, il a par ailleurs décidé d'assigner M. B... à résidence dans le département du Doubs pendant quarante-cinq jours. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, M. B... relève appel des jugements des 7 janvier 2020 et 16 mars 2020 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon et le tribunal administratif de Besançon dans sa formation collégiale ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation, respectivement, des arrêtés des 11 juin 2019 et 10 février 2020.
Sur la légalité des arrêtés des 11 juin 2019 et 10 février 2020 :
En ce qui concerne l'arrêté du 11 juin 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 11 juin 2019, à laquelle le préfet du Doubs a refusé à M. B... la délivrance d'une carte de séjour temporaire, celui-ci était le père de deux enfants français nés en 2002 et 2005 de son union avec une ressortissante française. Si M. B... établit avoir effectué des transferts bancaires au profit de son épouse dans les deux ans ayant précédé la décision du préfet, pour un montant total de 2 631,70 euros, il est constant qu'entre la naissance de ses enfants en 2002 et 2005 et son entrée en France en janvier 2019, sa résidence habituelle se trouvait aux Comores et qu'il n'a effectué en France que de brefs séjours en mai 2005, janvier 2008, novembre à février 2015 ainsi que de mai à août 2017. Les attestations rédigées par son épouse et ses enfants, selon lesquelles M. B... était en contact quotidien avec ces derniers et suivait notamment leur scolarité, leur offrait des cadeaux et avait reçu leur visite aux Comores ne suffisent pas à établir une contribution effective de l'intéressé à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Il en va de même des attestations scolaires ou médicales établies postérieurement à l'entrée en France de M. B... en 2019. Par suite, en refusant à ce dernier la délivrance d'une carte de séjour temporaire et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Doubs n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 et du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, il résulte des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est notamment saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11. Le préfet est ainsi tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à cet article auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il en va ainsi notamment d'un étranger se prévalant de sa qualité de parent d'enfant français. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. B... ne pouvait pas prétendre en cette qualité à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'irrégularité en s'abstenant de consulter la commission du titre de séjour.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en 2019, a vécu aux Comores de la naissance de ses enfants jusqu'à cette date. Ses séjours en France ou les visites de ses enfants aux Comores ont tous été de courte durée. S'il produit une décision reconnaissant à son épouse le statut de travailleur handicapé et un certificat médical du 7 juillet 2019, dont il ressort que celle-ci souffre d'un syndrome de fibromyalgie avec polyarthralgie, il ne ressort ni de ces documents, ni d'aucune autre pièce du dossier que sa présence aux côtés de son épouse serait indispensable. Dans ces conditions et eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté du 11 juin 2019 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, cet arrêté ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, il ne méconnaît pas non plus l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'arrêté du 10 février 2020 :
6. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...) ".
7. En premier lieu, la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle est prise et non à celle de sa notification à son destinataire. Si les changements de la situation de droit et de fait intervenus entre ces deux dates sont, le cas échéant, de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision en cause, ils ne peuvent en revanche être utilement invoqués à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, si M. B... fait valoir que la décision du 10 février 2020 par laquelle le préfet du Doubs l'a assigné à résidence lui a été notifiée à une date à laquelle il n'existait plus aucune perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement en raison des mesures prises pour faire face à la pandémie mondiale de Covid 19, cette circonstance, à la supposée établie, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision d'assignation à résidence.
8. En second lieu, l'assignation à résidence prononcée à l'encontre de M. B... n'avait pas pour effet en elle-même de le séparer de son épouse. Il ne saurait dès lors utilement se prévaloir contre cette décision de ce que son épouse se trouvait en situation vulnérable en raison de son état de santé et de sa grossesse.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement des sommes que M. B... demande au bénéfice de son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 20NC01110, 20NC01121