Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°20NC01217, le 10 juin 2020, M. B... représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Moselle du 31 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai déterminé au besoin sous astreinte et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le tribunal a porté une appréciation erronée sur les faits de la cause lors de l'usage de son pouvoir discrétionnaire dès lors que dans l'arrêté aucune mention n'est faite sur la scolarisation de ses enfants de sorte qu'il a été privé de la garantie d'un examen préalable et particulier complet de sa situation personnelle et familiale ;
- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier dès lors que la valeur probante des rapports joints en annexe est établie ;
- aucun des soins ne sera effectif pour son épouse ; l'insuffisance radicale de prise en charge spécialisée en Bosnie est patente.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 20 janvier 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bosnien, né le 22 juillet 1978, est entré irrégulièrement en France avec son épouse, le 14 juin 2018, selon ses déclarations. Le 2 avril 2019, son épouse a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé et M. B... en qualité d'accompagnant de conjoint malade. Par un arrêté en date du 31 octobre 2019, le préfet de la Moselle a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. B..., avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis d'envisager de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. A l'appui de sa demande, M. B... a fait part des éléments ayant trait à l'état de santé de son épouse appuyés par un certificat médical daté du 27 mars 2019, indiquant que cette dernière souffrait d'épilepsie pathologique pour laquelle elle suivait un traitement médicamenteux à équilibrer ainsi que d'un syndrome réactionnel. L'appelant produit également des rapports de mars et juin 2016 émanant de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) sur le traitement en Bosnie Herzégovine de la sclérose en plaques ainsi que du cancer et de l'asthme. Toutefois, ni ce certificat médical, ni ces rapports sans lien avec la pathologie de Mme B... ne remettent en cause l'avis du 27 août 2019, par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait indiqué que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait un traitement approprié dans son pays d'origine à destination duquel, au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle pouvait voyager sans risque. Il suit de là que le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'état de santé de l'épouse du requérant ne faisait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte un énoncé des considérations de droit et de fait, propres à la situation personnelle de M. B..., qui constituent le fondement de la décision en litige. Le préfet, auquel aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait d'y faire figurer, en outre, une analyse exhaustive de la situation personnelle et familiale du requérant et des risques allégués, a ainsi régulièrement motivé sa décision au regard des exigences fixées par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., ou même l'épouse de l'appelant en raison de son état de santé allégué, risqueraient d'être exposés à des traitements contraires aux stipulations et dispositions précitées en cas de retour dans les pays dont ils sont originaires. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC01217