1°) d'annuler, en ce qu'il la concerne, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jours de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de l'arrêté pris dans son ensemble :
- il a été pris par une autorité incompétente ;
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 3 avril 2018 est irrégulier en ce qu'il ne se prononce pas sur la possibilité effective pour son enfant d'accéder aux soins dans son pays d'origine et ne met donc pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de façon éclairée sur sa situation, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le défaut de prise en charge médicale de son fils, atteint d'une maladie génétique très rare, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, invoquée par voie d'exception ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle encoure des risques pour sa vie en Albanie et que son fils ne peut pas voyager sans risque ;
- le préfet n'est pas lié par les décisions prises sur sa demande d'asile ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que
- l'intéressée ayant déposé, le 10 octobre 2018, une demande d'aide au retour auprès de l'OFII, elle a pu retourner dans son pays d'origine le 5 novembre 2018, si bien que l'obligation de quitter le territoire national a été exécutée ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse C..., ressortissante albanaise, née le 21 février 1989, est entrée en France le 29 novembre 2016 selon ses déclarations, accompagnée de son époux et de leur fils mineur A.... Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés apatrides, le 19 mai 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2017. Le 2 octobre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de l'état de santé de son fils. Le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté en date du 3 août 2018, refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme C... fait appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil spécial n° 46 des actes administratifs de la préfecture du 21 septembre 2016, donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contenues dans l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
4. Le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 3 avril 2018, que si l'état de santé du jeune A..., fils de la requérante, nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité, pour cet enfant, de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 3 avril 2018 serait irrégulier et qu'elle aurait été ainsi privée d'une garantie.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L 312-2 soit exigée ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le jeune A... présente un syndrome poly-malformatif, causé par une maladie génétique, pour lequel il fait l'objet d'un suivi médical pluridisciplinaire régulier dans un établissement adapté, et qui nécessitera une intervention entre l'âge de cinq et huit ans, pour une cardiopathie congénitale. Le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé, pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par Mme C... en application des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 3 avril 2018, qui a estimé que l'état de santé du jeune A... nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par la requérante, notamment le certificat médical du 29 septembre 2017, qui mentionne qu'un suivi régulier et adapté de l'enfant permet de lui offrir " une meilleure qualité de vie ", ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Haut-Rhin. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1/ Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les pièces produites par la requérante ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 3 avril 2018, qui a estimé que l'état de santé du jeune A... nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant pouvait voyager sans risque. Par suite, et alors que la décision contestée n'a, ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant de ses parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
9. En quatrième lieu, Mme C..., qui n'est entrée sur le territoire français que le 29 novembre 2016, n'établit, par les pièces qu'elle produit, ni qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie, ni qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et compte tenu par ailleurs de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
11. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 6, 8 et 9 du présent arrêt, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. Si la requérante affirme que son mari est la cible de menaces de la part des malfaiteurs et qu'elle a été victime d'une tentative d'enlèvement de la part de ces derniers, les documents qu'elle produit ne démontrent pas qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 19 mai 2017, confirmée par une décision de la CNDA en date du 4 septembre 2017. Par suite, et dès lors que le fils de la requérante peut voyager sans risque, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 août 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 19NC00648 2