Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 avril 2018 et 14 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 février 2018 ;
2°) d'annuler les contrats de concession funéraires consentis par le maire d'Essey-lès-Nancy à divers demandeurs ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Essey-lès-Nancy le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le mémoire en défense présenté par la commune d'Essey-lès-Nancy le 1er février 2019 doit être écarté pour méconnaissance du respect du principe du contradictoire, des règles du procès équitable et du principe constitutionnel d'égalité devant la justice ;
- dès lors qu'il avait justifié de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de produire les contrats de concession funéraires contestés, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable faute d'être accompagnée d'une copie des décisions attaquées ;
- le maire ne pouvait signer chacun des sept contrats de concession funéraires en cause sans y avoir été expressément autorisé par le conseil municipal ;
- les contrats de concession funéraire ne sont pas valables à défaut d'information suffisante des élus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, la commune d'Essey-lès-Nancy, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Essey-lès-Nancy soutient que ;
- la demande de première instance était irrecevable, le ministère d'avocat étant obligatoire en première instance dès lors que le recours formé par M. C... est un recours de plein contentieux ;
- la demande de première instance était irrecevable car tardive ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune d'Essey-lès-Nancy.
Considérant ce qui suit :
1. Lors de la séance du conseil municipal de la commune d'Essey-lès-Nancy du 20 juin 2016, le maire a informé les élus présents de ce qu'il avait consenti sept concessions funéraires à divers demandeurs. M. C..., élu au conseil municipal, fait appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de ces sept concessions funéraires.
Sur la recevabilité du mémoire en défense :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'après la production le 1er février 2019 par la commune d'Essey-lès-Nancy de son premier mémoire en défense, la clôture de l'instruction a été reportée au 18 février 2019, ce qui a permis au conseil de M. C... de répliquer le 14 février 2019 au mémoire en défense qui lui avait été communiqué le 4 février 2019. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'une méconnaissance du respect des principes du contradictoire et des règles du procès équitable ainsi que du principe constitutionnel d'égalité devant la justice pour demander à ce que le mémoire en défense produit par la commune soit écarté des débats.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative dans sa rédaction résultant du décret n° 2001-710 applicable à la date d'enregistrement au tribunal administratif de la demande de M. C... : " " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) ". L'article R. 612-1 du même code dispose : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".
4. Il ressort des pièces de la procédure de première instance que par courrier du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a demandé à M. C... de régulariser l'irrecevabilité tirée du défaut de production des décisions attaquées. Par courriel daté du lendemain, M. C... a demandé au maire de lui transmettre les contrats de concession funéraire dont il contestait la validité. Par un courrier du 6 juillet 2017, la maire a informé M. C... de ce qu'il avait transmis sa demande à l'avocat de la commune. Dès lors qu'il n'est pas contesté que l'avocat de la commune n'a jamais donné suite à la demande de M. C..., ce dernier justifiait de son impossibilité de produire les décisions dont il demandait l'annulation. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande de M. C... comme irrecevable faute de production des décisions attaquées.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur la validité des contrats de concession funéraire :
6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité.
7. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
8. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 8° De prononcer la délivrance et la reprise des concessions dans les cimetières ; (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 19 avril 2014, le conseil municipal de la commune d'Essey-lès-Nancy a donné délégation au maire pour la durée de son mandat de " 8) prononcer la délivrance et la reprise des concessions dans les cimetières ". Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le maire ne pouvait signer chacun des sept contrats de concession funéraire en cause sans y avoir été préalablement autorisé par le conseil municipal.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". L'article L. 2122-23 du même code dispose : " Les décisions prises par le maire en vertu de l'article L. 2122-22 sont soumises aux mêmes règles que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes objets. (...) Le maire doit rendre compte à chacune des réunions obligatoires du conseil municipal. (...) ".
12. Il ressort du compte rendu de la séance du conseil municipal de la commune d'Essey-lès-Nancy du 20 juin 2016 que lors de cette séance, le maire a rendu compte aux élus, comme l'article L. 2122-23 lui en faisait l'obligation, des concessions funéraires qu'il a accordées en application de la délégation qu'il a reçue, en indiquant la durée de chaque concession, la localisation et le prix. Si le maire n'a pas communiqué les noms des bénéficiaires pour protéger les familles endeuillées, il a, en revanche, permis à M. C... de prendre connaissance des contrats de concession passés. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à contester la validité des contrats de concession funéraire consentis au motif que les élus n'auraient pas été suffisamment informés.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des sept contrats de concession funéraire consentis par le maire de la commune d'Essey-lès-Nancy et dont le conseil municipal a été informé le 20 juin 2016.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Essey-lès-Nancy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Essey-lès-Nancy sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 février 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. C... versera à la commune d'Essey-lès-Nancy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la commune d'Essey-lès-Nancy.
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N° 18NC01323