Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°20NC00522 le 27 février 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 19 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 9 septembre 2018 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et rédigée de manière stéréotypée ;
- il n'a pas bénéficié de l'entretien prévu à l'article D. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'évaluation de son état de vulnérabilité ;
- l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son état de santé démontre sa situation de vulnérabilité.
La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 14 août 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Monsieur D... A..., né le 3 mai 1998, de nationalité guinéenne, a présenté une demande d'asile, enregistrée au guichet unique le 8 octobre 2018, et accepté le même jour l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le 12 août 2019, l'administration lui a proposé un hébergement au CAES de Charleville-Mézières, qu'il a accepté. M. A... a toutefois quitté son hébergement le 20 août suivant. Le 22 août 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a alors informé l'intéressé de son intention de suspendre les conditions matérielles d'accueil. Par une décision du 19 septembre 2019, il a effectivement suspendu les conditions matérielles d'accueil. M. A... fait appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 19 septembre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1°) Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 (...) ". L'article D. 744-38 du même code dispose que : " La décision de suspension, de retrait ou de refus de l'allocation est écrite, motivée et prise après que l'allocataire a été mis en mesure de présenter à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ses observations écrites dans le délai de quinze jours. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. (...) ".
3. Si les termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018. Il ressort des pièces du dossier que les conditions matérielles d'accueil ont été proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à M. A... en 2018.
4. La décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) portant suspension des droits de M. A... aux conditions matérielles d'accueil mentionne les textes dont elle fait application, en particulier les articles L. 744-6, L. 744-8 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que l'intéressé a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour sa famille et pour lui-même le 8 octobre 2018, puis abandonné son lieu d'hébergement depuis le 20 août 2019. Elle souligne également que l'évaluation de la situation personnelle et familiale de M. A... ne fait pas apparaître de facteur particulier de vulnérabilité, ni de besoins particuliers en matière d'accueil. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est insuffisamment motivée et que sa motivation est stéréotypée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en oeuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu bénéficier, le 8 octobre 2018, d'un entretien lors de son enregistrement au guichet unique des demandeurs d'asile, au cours duquel sa situation personnelle a été évaluée. L'intéressé a signé le jour même le formulaire d'évaluation des besoins du demandeur d'asile, et coché la case " je certifie avoir été évalué par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans une langue que je comprends avec le concours d'un interprète professionnel ". Si l'entretien permettant d'évaluer la vulnérabilité du demandeur d'asile doit être mené à la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'administration n'est pas tenue de le réitérer au cours de la procédure. En outre, le requérant ne saurait utilement soutenir que l'entretien aurait permis de constater son état de vulnérabilité lié à son état de santé, dès lors qu'il n'a jamais effectué spontanément de signalement auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur son état santé, ni sollicité d'avis médical auprès de l'Office. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien prévu par les dispositions précitées de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de suspension : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...) " Au termes de l'article D. 744-35 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015 : " Le versement de l'allocation peut être suspendu lorsqu'un bénéficiaire : (...) 3° Sans motif légitime, a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 ou s'est absenté du lieu d'hébergement sans justification valable pendant plus de cinq jours ; ".
8. Il est constant que le requérant a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 8 octobre 2018, puis abandonné son lieu d'hébergement le 20 août 2019. Si l'intéressé soutient que son état de santé justifie un suivi par un gastroentérologue, un dermatologue et un allergologue, et affirme avoir quitté l'hébergement proposé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), compte tenu de son état de santé nécessitant des règles d'hygiène strictes, lesquelles ne seraient pas respectées au CAES de Charleville-Mézières, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état sanitaire de cette structure serait incompatible avec l'état de santé de l'intéressé, lequel avait d'ailleurs pu s'engager auprès d'un club de football de Troyes en Régional 3. En outre, ainsi qu'il a été dit plus haut, le requérant n'a jamais effectué de signalement auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur son état santé, ni sollicité d'avis médical auprès de l'Office. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait pas bénéficier à Charleville-Mézières des soins nécessités par son état de santé. Par suite, le requérant, qui a quitté pour des motifs de convenances personnelles l'hébergement qui lui a été proposé et ne se trouvait pas dans une situation de vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a commis une erreur manifeste d'appréciation en procédant à la suspension du versement de l'allocation pour demandeur d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 19 septembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 9 septembre 2018 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
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N° 20NC00522