Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02556 le 6 août 2019, M. A..., représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de cet arrêt et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de cet arrêt et de lui délivrer pour la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de ce arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet du Doubs a estimé qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans le pays de renvoi ; en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il était dès lors fondé à l'exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 9 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant burundais, entré en France le 4 septembre 2017 sous couvert d'un visa C, a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 septembre 2018, le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance de cette carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 26 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à 1'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11°) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. Dans l'avis qu'il a émis le 28 juin 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, d'une part, que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Burundi, dont l'intéressé est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, précisant en outre que les soins de longue durée nécessités par son état de santé devaient en l'état être poursuivis pendant une durée de douze mois.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a souffert d'un cancer de la vessie pour lequel il a subi une résection transurétrale de vessie et bénéficie qu'une thérapie de BCG. Selon les certificats médicaux établis les 29 octobre 2018 et 22 février 2019 par le Dr Fellmann, médecin du service de chirurgie urologique du centre hospitalier régional universitaire de Besançon, l'état de santé du requérant nécessite un suivi urologique régulier à raison d'une fibroscopie vésicale et de cytologies urinaires sur trois jours tous les trois mois jusqu'en octobre 2019 puis tous les six mois pendant trois ans puis tous les ans et, idéalement, d'instillations de BCG d'entretien pendant vingt-six mois à raison de trois instillations tous les six mois. Le préfet du Doubs, qui ne remet pas en cause ces indications thérapeutiques, s'est toutefois prévalu d'un courriel du Dr Montagnon, conseiller de santé auprès du directeur général des étrangers en France, daté du 26 juillet 2018, selon lequel la pathologie de M. A... pourrait être prise en charge au centre médico-chirurgical de Kinindo à Bujumbura où officie un praticien indien spécialisé en urologie depuis 2017, à même d'administrer ce traitement, partie intégrante du programme national de vaccinations disponible au Burundi. Il résulte toutefois d'un autre certificat médical, établi le 6 mai 2019 par le Dr Bozon, du service de maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier régional universitaire de Besançon, que si une prise en charge urologique est effectivement envisageable au Burundi grâce à la présence de cet urologue, qui est en mesure d'assurer les contrôles fibroscopiques et la thérapie de BCG, également disponible au Burundi, la présence épisodique de ce médecin rend en revanche aléatoire le suivi indispensable de cette thérapeutique, qui est la seule envisageable pour ce patient afin d'éviter une sanction chirurgicale invalidante et nécessite par ailleurs une prise en charge adaptée et rapide au regard des réactions locales voire systémiques au traitement, susceptibles de se produire et de mettre en danger la vie de l'intéressé. Ces éléments médicaux précis et circonstanciés, par ailleurs non contestés en défense, sont de nature à confirmer l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base de l'entier dossier médical de M. A..., selon lequel celui-ci ne pourrait pas bénéficier effectivement au Burundi d'un traitement approprié à la pathologie dont il est atteint. Le courriel du conseiller de santé auprès du directeur général des étrangers en France du 26 juillet 2018, rédigé en termes généraux, en dehors d'une analyse globale de la situation médicale du requérant et de la capacité effective du centre médico-chirurgical de Kinindo à assurer l'ensemble des soins impliqués par le traitement de l'intéressé, n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2019 et l'arrêté du préfet du Doubs du 25 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à M A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à la délivrance de cette carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de l'autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de cette notification.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2019 et l'arrêté du préfet du Doubs du 25 septembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de cette notification.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC02556