Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03307 le 15 novembre 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 17 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car il avait droit à un titre de séjour en raison de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car il avait droit à un titre de séjour pour des motifs humanitaires ou des motifs exceptionnels ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle sera annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle sera annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle sera annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de retour ;
- elle est contraire aux articles 3, 6, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2020, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant du Kosovo né le 6 mai 1977, est entré en France pour la dernière fois le 25 février 2017. Il a sollicité, le 5 octobre suivant, le statut de réfugié, mais sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 août 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 février 2019. M. A... a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté en date du 18 juin 2019, le préfet des Vosges a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit passé ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. M. A... fait appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France pour la dernière fois le 25 février 2017, à l'âge de 40 ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un peu plus de deux ans à la date de l'arrêté préfectoral contesté. S'il affirme avoir déjà vécu en France en 1994 et 1995, puis, sans discontinuer, de 2005 à 2015, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit, en particulier des attestations familiales. Il n'établit pas davantage que sa présence aux côtés de ses parents, bénéficiaires de titres de séjour en France, serait indispensable du fait notamment de leur âge et de la modestie de leurs revenus, dès lors qu'il ressort de ses propres déclarations qu'il a choisi de quitter la France de 2015 à 2017 pour retourner au Kosovo et en Serbie, et que d'autres membres de sa fratrie sont présents sur le territoire français et sont ainsi susceptibles de prêter assistance à leurs parents. Par ailleurs, s'il affirme vivre à Epinal avec sa concubine italienne, avec laquelle il partagerait un appartement, le requérant admet lui-même que ce concubinage n'est effectif que depuis le mois de mars 2019, soit trois mois avant l'adoption de la décision préfectorale contestée. Enfin, si M. A... a fait l'objet d'une tentative de meurtre à Besançon le 20 octobre 2017, cette circonstance n'implique pas qu'il doive impérativement rester sur le territoire français pour défendre efficacement ses droits, dès lors qu'il a la possibilité de se faire représenter par un avocat et qu'il n'avait donné suite à l'invitation qui lui avait été faite, le 27 novembre 2018, de se constituer partie civile, que le 16 juillet 2019, postérieurement à la notification de la décision contestée. Dans ces conditions, M. A..., célibataire et sans enfant, qui par ailleurs n'établit pas entretenir des liens intenses et stables avec les membres de sa famille séjournant en France, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".
5. Si M. A... soutient qu'il avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire ou pour motifs exceptionnels, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'en sa qualité de Rom, il ne serait pas traité dignement au Kosovo, où il serait en outre isolé et où il ne pourrait pas bénéficier des soins nécessités par son état de santé, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée, tant par l'OFPRA que par la CNDA, et que le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans un avis en date du 14 juin 2019, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce que ne contredisent pas utilement les certificats médicaux produits par l'intéressé, qui se bornent à attester que le requérant souffre de troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post-traumatique, pour lesquels il bénéficie d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux constitué d'antidépresseurs, d'hypnotiques et d'antipsychotiques. En outre, ainsi qu'il a été dit plus haut, la circonstance que M. A... ait fait l'objet d'une tentative de meurtre à Besançon le 20 octobre 2017 n'implique pas qu'il doive impérativement rester sur le territoire français pour défendre efficacement ses droits. Dès lors et eu égard également à ce qui a été indiqué au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) " Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la circonstance que M. A... ait fait l'objet d'une tentative de meurtre à Besançon le 20 octobre 2017 n'implique pas qu'il doive impérativement rester sur le territoire français pour défendre efficacement ses droits. En outre, le requérant ne saurait utilement soutenir, pour contester la régularité de la procédure d'adoption d'une décision administrative l'obligeant à quitter le territoire, que cette dernière méconnait par elle-même les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si le requérant soutient que, du fait de son appartenance à l'ethnie Rom, il ne serait pas traité dignement au Kosovo, où il ne pourrait pas en outre bénéficier des soins nécessités par son état de santé, les documents qu'il produit ne démontrent ni qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier, dans son pays d'origine, des soins nécessités par son état de santé, alors que le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 14 juin 2019, que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 30 août 2018, confirmée par une décision de la CNDA en date du 4 février 2019. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions lui refusant le droit au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
14. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3, 5, 9 et 12 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est contraire aux articles 3, 6, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 18 juin 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 48 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 19NC03307