Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03362 le 21 novembre 2019, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 31 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, en l'attente, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure, car la commission du titre de séjour n'a pas été saisie alors que, d'une part, le préfet a examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, elle séjournait habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante congolaise née le 12 mai 1984, déclare être entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2005. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) les 6 juin 2006 et 15 juillet 2008, et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 7 mars 2008 et 1er avril 2009. Mme C... a sollicité, le 20 mars 2013, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Elle s'est vue délivrer deux titres de séjour, valables de 2013 à 2015, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 22 juin 2016, le préfet du Doubs a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressée et l'a obligée à quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er décembre 2017, qui a enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de Mme C.... Après ce réexamen, le préfet du Doubs a à nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, par un arrêté du 31 août 2018. Mme C... fait appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3.(...) ". Son article L. 313-14 dispose que : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) " Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il doit également, en vertu de l'article L. 313-14 du même code, saisir cette commission lorsqu'un étranger sollicitant un titre de séjour sur le fondement de cet article établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans.
3. En l'espèce, Mme C..., qui n'avait pas demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'établit au surplus pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle résidait en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie pour avis doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 27 décembre 2005, à l'âge de 21 ans. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle résidait en France habituellement depuis 2005 à la date de la décision contestée. En outre, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique en partie par le fait qu'elle s'est maintenue illégalement sur le territoire français. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu les vingt-et-une premières années de sa vie et où résident notamment, selon ses propres déclarations, ses parents et sa fille. Par ailleurs, si elle avait conclu le 8 juillet 2018 un PACS avec un ressortissant congolais bénéficiaire de la qualité de réfugié, sa relation avec ce dernier n'avait fait l'objet d'un tel pacte que moins de deux mois avant la date de la décision contestée. Dans ces conditions et nonobstant ses efforts d'intégration en France, où elle a travaillé, Mme C... n'établit pas l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
7. Si Mme C... soutient qu'elle avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pas présenté de demande sur ce fondement. Au surplus, elle ne se prévaut d'aucune circonstance susceptible de constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de cet article. Dès lors, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14, qui en outre n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit en tout état de cause être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
9. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre de divers troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post-traumatique, pour lesquels elle suit un traitement associant psychothérapie, antidépresseur et anxiolytiques. Par un avis émis le 30 juin 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que Mme C... pouvait voyager sans risque.
11. Les pièces produites par la requérante, y compris les certificats médicaux établis postérieurement à la décision contestée, n'établissent pas que les principes actifs des médicaments prescrits à l'intéressée n'existeraient pas en République démocratique du Congo sous une autre appellation commerciale et ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Doubs. Par ailleurs, si la requérante se prévaut d'un rapport de l'OSAR datant de 2013 ainsi que d'un rapport de la commission de l'immigration et du statut de réfugié au Canada datant de 2012 sur la situation du système de santé au Congo, ces rapports, déjà anciens, ne permettent pas davantage de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet, alors qu'un courriel de l'ambassade de France au Congo du 19 novembre 2015 souligne que les pathologies psychiatriques sont prises en charge dans les grandes villes de la République démocratique du Congo et que, s'agissant des médicaments disponibles, toutes les spécialités usuelles sont disponibles à Kinshasa. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie psychiatrique de l'intéressée présenterait, avec les événements traumatisants qu'elle allègue avoir vécus dans son pays d'origine, un lien tel qu'un traitement approprié ne puisse pas, dans son cas, être envisagé dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 31 août 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, en l'attente, un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivants notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
2
N° 19NC03362