Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00990 le 27 avril 2020, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 4 octobre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de rétablir ses droits aux conditions matérielles d'accueil ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir ses droits dans un délai dans un délai de 48 heures à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 4 octobre 2019 ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivée ;
- il n'a pas bénéficié de l'entretien prévu à l'article D. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'évaluation de son état de vulnérabilité ;
- l'Office français d'immigration et d'intégration a commis une erreur manifeste dans son appréciation de sa situation de vulnérabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant éthiopien, est entré en France irrégulièrement le 20 mars 2018, accompagné de sa concubine. Il a déposé une demande d'asile, enregistrée le 4 mai 2018, et a accepté le même jour l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le 17 avril 2019, M. A... et sa concubine ont reçu et accepté une proposition d'hébergement, que l'intéressé a toutefois quitté le 27 mai 2019. Par une décision du 1er juillet 2019, ayant été précédée d'un courrier d'information du 7 juin 2019, l'OFII a suspendu, pour abandon injustifié d'hébergement, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil consenties à M. A.... Le 2 octobre 2019, ce dernier a sollicité de l'OFII le rétablissement du bénéfice de ces conditions matérielles d'accueil. Par une décision du 4 octobre 2019, l'OFII a refusé de faire droit à cette demande. M. A... relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la légalité de la décision du 4 octobre 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce en vertu de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. (...) ".
3. En outre, aux termes de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur (...). / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil (...) sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. (...) ". Dans sa décision du 31 juillet 2019, association la CIMADE et autres, Nos 428530, 428564, le Conseil d'Etat a jugé que, dans l'attente de la modification des articles L. 744 -7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, jugées partiellement incompatibles avec la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013, il reste possible à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée, au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation. Il lui est également possible, dans les mêmes conditions et après avoir mis, sauf impossibilité, l'intéressé en mesure de présenter ses observations, de suspendre le bénéfice de ces conditions lorsque le demandeur a quitté le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ou n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. Si le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office, qui devra apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
4. En premier lieu, la décision du 4 octobre 2019, portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil consenties à M. A... puis suspendues en raison de l'abandon non justifié de son hébergement, comporte, eu égard à son objet notamment, un énoncé suffisant des considérations de droit, mais également de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, elle satisfait, en tout état de cause, à l'obligation de motivation.
5. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 2, font obligation à l'OFII de procéder, à la suite d'un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil, elles n'imposent pas la tenue d'un nouvel entretien préalablement à la décision portant suspension du bénéfice de ces conditions matérielles d'accueil ou à la décision statuant sur une demande de rétablissement de ce bénéfice. Ainsi, M. A..., dont, au demeurant, il ressort du dossier qu'il a bénéficié d'un entretien avec l'OFII à la suite de la présentation de la demande d'asile, ne soutient pas utilement avoir été privé d'un nouvel entretien avant l'intervention de la décision lui refusant le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil précédemment consenties.
6. En troisième et dernier lieu, la faculté ouverte à l'OFII de retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au motif d'un abandon injustifié de l'hébergement proposé au demandeur d'asile est subordonnée à un examen de la situation de l'intéressé afin en particulier de tenir compte de son éventuelle vulnérabilité. Il en va de même s'agissant de la décision par laquelle l'OFII est appelé à statuer, à la suite d'une telle suspension, sur une demande de rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est désormais séparé de sa concubine et est sans enfant. S'il fait valoir qu'il est hébergé à titre précaire chez des tiers et doit rechercher quotidiennement un hébergement, le préfet indique, sans être contredit, qu'il a bénéficié d'un hébergement d'urgence. Ni ces considérations relatives à son hébergement, ni le justificatif relatif à un séjour hospitalier du 11 janvier 2020 et le compte rendu d'examen radiologique pratiqué le 5 février 2020 qu'il produit, dont il ressort qu'il a bénéficié d'une prise en charge et d'un suivi médical approprié, ne sont de nature à révéler une situation de vulnérabilité, au sens des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant à M. A... le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil qui lui avait été suspendu, l'OFII n'a pas fait une inexacte appréciation de ces dispositions.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur.
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N° 20NC00990