Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 mai, 19 juillet et 21 décembre 2017 M. K...J..., M. C...B..., Mme N...B..., M. H...L...et Mme O... I..., représentés par MeM..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler le permis d'aménager du 26 mai 2014, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ainsi que le rejet explicite de leur recours gracieux du 16 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rouffach et de la société Nexity une somme de 600 euros à verser à chacun des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir en tant que voisins immédiats, compte tenu de l'insuffisance du réseau d'eau de la rue qui n'est pas dimensionné pour 18 logements supplémentaires ;
- la demande de première instance n'était pas tardive ;
- le jugement est irrégulier en ce que sa minute ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme de Rouffach pour absence de précisions suffisantes, alors que les demandeurs ne pouvaient apporter davantage de précisions et qu'en l'absence de réponse des défendeurs, ceux-ci devaient être réputés avoir acquiescé aux faits ;
- le plan local d'urbanisme est illégal en raison de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dès lors que le conseil municipal n'a pas délibéré sur les objectifs poursuivis, ni sur les modalités de la concertation, en ce qu'il méconnaît l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme en classant en zone constructible la parcelle d'assiette du projet, le plan d'occupation des sols antérieur ne permettant pas de constructions sur ce terrain ;
- la desserte du projet est insuffisante, ce qui méconnaît l'article UC3.2 du plan local d'urbanisme de Rouffach ;
- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est méconnu en raison de l'absence de protection du projet contre les incendies et la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- pour les mêmes raisons, l'article UC4.1 du plan local d'urbanisme est méconnu.
Par des pièces et un mémoire en défense, enregistrés le 3 et le 17 juillet 2017, la commune de Rouffach, représentée par MeG..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge solidaire de M. J...et autres une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne démontrent pas leur intérêt à agir en se bornant à faire valoir leur qualité de voisins immédiats ;
- leur demande de première instance était tardive ;
- le jugement est régulièrement signé ;
- le jugement n'est pas entaché de contradiction de motifs et a bien répondu au moyen soulevé qui n'était pas assorti de précisions ;
- la desserte est suffisante ;
- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas méconnu ;
- l'article UC4.1 du plan local d'urbanisme n'est pas méconnu ;
- l'exception d'illégalité du PLU ne peut être accueillie.
Par un mémoire enregistré le 3 août 2017, la société Nexity foncier conseil représentée par MeE..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge solidaire des appelants une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive ;
- le jugement est régulièrement signé ;
- le jugement n'est pas entaché de contradiction de motifs et a bien répondu au moyen soulevé qui n'était pas assorti de précisions ;
- l'article UC3.2 du plan local d'urbanisme n'est pas méconnu ;
- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas méconnu et le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'article UC4.1 du plan local d'urbanisme n'est pas méconnu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeM..., pour M. J...et autres, ainsi que celles de MeA..., pour la commune de Rouffach.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 mai 2014, le maire de la commune de Rouffach a délivré à la société Nexity Foncier Conseil un permis d'aménager un lotissement de 25 lots rue de Pfaffenheim, qui a, par ailleurs, fait l'objet d'un permis d'aménager modificatif du 26 novembre 2015 réduisant le nombre de lots à 18. M. K...J..., M. C...B..., Mme N...B..., M. H...L...et Mme O...I...forment appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande dirigée contre le permis d'aménager du 26 mai 2014, ainsi que contre le rejet de leur recours gracieux du 23 juillet 2014 parvenu le lendemain à la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce soutiennent les requérants, il résulte de la minute que le jugement attaqué comporte les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier en raison de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, la circonstance que le tribunal administratif a rejeté comme n'étant pas assorti de précisions suffisantes, le moyen tiré de l'absence de délibération prise sur le fondement de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme avant l'adoption du plan local d'urbanisme de la commune, ne suffit pas à entacher le jugement attaqué d'irrégularité, alors même que les défendeurs n'auraient pas répondu au moyen.
Sur la tardiveté de la demande de première instance et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre irrecevabilité invoquée par les défendeurs :
4. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi (...) ".
5. Il résulte des dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte. Si ces dispositions autorisent également les personnes publiques à se faire représenter par des avocats dans leurs relations avec les autres personnes publiques ou avec les personnes privées, aucune décision administrative ne saurait toutefois résulter des seules correspondances de ces derniers, en l'absence de transmission, à l'appui de ces correspondances, de la décision prise par la personne publique qu'ils représentent.
6. Il ressort des pièces du dossier que, dans le délai du recours contentieux, M. J... et les autres demandeurs de première instance, ont présenté le 23 juillet 2014 au maire de Rouffach un recours gracieux dirigé contre le permis d'aménager du 26 mai 2014. Ce recours, parvenu à la mairie le 24 juillet 2014 a été implicitement rejeté le 24 septembre suivant. Les intéressés n'ont saisi le tribunal administratif d'une demande en annulation du permis d'aménager et du rejet de leur recours administratif que le 16 décembre 2014, soit plus de deux mois après la naissance de la décision implicite de rejet.
7. Les défendeurs font valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la demande de première instance était tardive, le délai de recours n'ayant pas été interrompu par une lettre du 16 octobre 2014 adressée par l'avocat de la commune à l'avocat des demandeurs de première instance, à laquelle n'était pas jointe une décision expresse de rejet de la commune.
8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que dans la lettre du 16 octobre 2014, qui a pour titre "courrier officiel" et comporte l'indication des voies et délais de recours, l'avocat de la commune indique expressément que " la commune de Rouffach entend rejeter purement et simplement le recours gracieux " des appelants et précise les motifs de fait et de droit de ce rejet. La commune, qui s'est bornée à soutenir qu'aucune décision explicite du maire n'était jointe à ce courrier, n'a jamais contesté que le maire avait pris, verbalement, une décision de rejet du recours gracieux. Dans ces conditions, il résulte des termes du courrier du 16 octobre 2014 que le maire de Rouffach avait mandaté son avocat pour répondre au recours gracieux des appelants et que la lettre comporte explicitement une décision de rejet, non formalisée, émanant du maire de Rouffach représenté par son conseil. Par suite, la lettre du 16 octobre 2014 était de nature à interrompre le délai du recours pour excès de pouvoir et la demande de première instance, introduite moins de deux mois après la réception de cette missive par les intéressés, n'était pas tardive.
Sur la légalité de la décision contestée :
9. En premier lieu, aux termes de l'article UC3.2 du règlement du PLU de Rouffach : " 3.2.1 les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies privées ou publiques doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir " ; / 3.2.2 en outre, aucun voie nouvelle, ouverte à la circulation automobile, ne doit avoir une largeur de plateforme inférieure à 6 mètres si elle dessert plus de deux logements et 4 mètres dans les autres cas ".
10. D'une part, la rue de Pfaffenheim permettant la desserte des constructions projetées ne constitue pas une voie nouvelle. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC3.2.2 est inopérant et ne peut qu'être écarté.
11. D'autre part, la rue de Pfaffenheim, dont la chaussée bien entretenue est large de cinq mètres au moins, est de dimension suffisante pour permettre la circulation des véhicules provenant des 18 lots du lotissement litigieux, alors même que ce projet doublerait le nombre d'habitants de la rue, nonobstant l'absence de trottoirs par endroits. Comme l'a jugé le tribunal administratif, les photographies produites par les appelants, qui sont les mêmes en appel qu'en première instance, concernent une partie de la rue située dans le vignoble et non au droit du projet de lotissement, ni des habitations actuellement implantées dans la rue. Si la voie comporte une chicane destinée à ralentir la circulation en fin de zone agglomérée en direction du vignoble, cette circonstance n'est pas de nature à modifier les caractéristiques de la rue quant à sa desserte. Il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que soutiennent les appelants, qu'en direction du centre de Rouffach, la rue de Pfaffenheim et ses prolongements, qui sont bordées d'habitations, ne sont pas étroits et que, compte tenu du nombre d'usagers susceptibles de les emprunter, la présence des occupants des 18 lots ne sera pas de nature à aggraver les conditions de la circulation. Les circonstances que la rue de Pfaffenheim pourrait être empruntée par d'autres usagers, notamment les viticulteurs, des cyclistes, des piétons ne suffit pas à démonter qu'elle ne pourrait pas permettre la circulation des habitants du projet contesté. Au surplus, le service départemental d'incendie et de secours a rendu, le 29 avril 2014, un avis favorable relatif à l'accès au site par les engins de secours. Eu égard à l'ampleur de la circulation envisagée, les caractéristiques de la voie de desserte sont proportionnées à l'importance de l'occupation et de l'utilisation des sols envisagées, au sens de l'article UC3.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rouffach. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, les appelants soutiennent que la décision contestée méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison d'une insuffisance de desserte en eau du quartier, qui serait aggravée par le projet de la société Nexity foncier conseil. Ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions nouvelles, a été à bon droit écarté par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.
13. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme en raison de l'insuffisance du réseau d'eau potable est inopérant, dès lors que cet article n'a pas pour objet de fixer les caractéristiques du débit de ce réseau. En tout état de cause, le gestionnaire du réseau d'eau potable a rendu un avis favorable le 3 mars 2014. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté.
14. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir en appel comme en première instance qu'il "est constant" que la délibération prescrivant le plan local d'urbanisme exigée par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'a pas été prise, les requérants ne contestent pas utilement le jugement attaqué qui a relevé qu'en ne développant pas davantage leur argumentation, les intéressés n'assortissaient pas leur moyen de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen ne peut être accueilli.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les zones urbaines sont dites "zones U". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".
16. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus, que le secteur où se trouve le terrain d'assiette du projet contesté est suffisamment desservi par le réseau d'eau potable et par les voies publiques. En outre, il se situe dans un secteur déjà urbanisé au nord et au sud des parcelles litigieuses ainsi que de l'autre côté de la rue. Par suite, le moyen tiré de ce que le conseil municipal de la commune de Rouffach aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en classant en U les parcelles en cause doit être écarté.
17. En sixième lieu, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols précédant le plan local d'urbanisme en vigueur qui n'a pas fait l'objet d'une annulation contentieuse et dont la légalité n'est pas contestée.
18. Il résulte de ce qui précède que M. J...et les autres requérants ne sont pas fondés à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rouffach et de la société Nexity foncier conseil, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. J...et les autres appelants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. J...et des autres requérants les sommes que la commune de Rouffach et la société Nexity foncier conseil demandent au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. J...et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Rouffach et de la société Nexity foncier conseil présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K...J..., à M. C...B..., à Mme N...B..., à M. H...L..., à Mme O...I..., à la commune de Rouffach et à la société Nexity foncier conseil.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
2
N° 17NC01242