Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402640 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me A... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. C...soutient que :
En ce qui concerne la décision lui refusant un titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est à tort estimé en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée au regard des obligations qui découlent de la directive du 16 décembre 2008, la législation française lui étant contraire sur ce point ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision relative au délai de départ volontaire :
- le préfet aurait dû, en application de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le mettre à même de présenter ses observations avant de fixer ce délai à 30 jours ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'article L. 511-1 II sur lequel elle est fondée est contraire à la directive du 16 décembre 2008 ;
- il n'a pas été informé de la possibilité de demander un prolongement du délai, l'application de l'article L. 511-1 s'avérant en l'espèce incompatible avec les articles 7 et 8 de la directive retour ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas spécifiquement la durée du délai de départ volontaire qui lui était accordé ;
- la durée de trente jours est inappropriée.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et s'en remet à son mémoire de première instance.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en France le 7 septembre 2011 afin de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par décision du 13 décembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 juillet 2014. Par un arrêté du 9 septembre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2014.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 septembre 2014 en litige a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de la Meurthe-et-Moselle, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 19 août 2013, régulièrement publiée le 23 août 2013 au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de " signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit ". Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de titre de séjour attaqué manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Le refus de titre de séjour contesté vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement, notamment les circonstances dans lesquelles il a formé une demande d'asile qui a été rejetée ainsi que les principaux éléments relatifs à sa vie personnelle et familiale. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, cette décision, qui n'est pas stéréotypée, répond aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979.
4. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se soit estimé en situation de compétence liée avant de refuser de délivrer un titre de séjour à M.C.... Le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de l'intéressé ne peut donc qu'être écarté.
5. M. C...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nancy.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de la Meurthe-et-Moselle, qui bénéficiait à cet effet, et comme il a été dit au point 2, d'une délégation de signature régulièrement publiée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire français contestée manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) ".
8. D'une part, l'article L. 511-1 (I) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a ni pour objet, ni pour effet de restreindre le champ d'application de l'obligation de motivation des décisions de retour. Il se borne à prévoir les cas où la motivation de l'obligation de quitter le territoire étant identique à celle de la décision de refus de séjour dont elle procède, elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation distincte. Ainsi, la rédaction de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 n'est pas incompatible avec les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008.
9. D'autre part, dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation posées par l'article L. 511-1 précité. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
11. M. C...ne produit aucun élément probant de nature à établir la nature et l'intensité des liens qu'il allègue avoir noués avec son enfant né en août 2013, alors qu'il n'en a informé l'administration que le 7 novembre 2014. Le requérant ne conteste pas sérieusement le préfet de Meurthe-et-Moselle qui indique également que rien ne fait obstacle à ce que la vie commune avec sa conjointe, de nationalité arménienne comme lui, et leur enfant âgé d'un an à la date de la décision litigieuse, puisse se poursuivre en Arménie, Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut être qu'écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. En premier lieu et aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 prise afin d'assurer la transposition de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " (...) II Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions législatives, qui ne sont pas en contradiction avec celles de la directive, qu'en dehors de l'hypothèse d'absence de délai de départ volontaire prévue au II de l'article L. 511-1 précité ou de rejet d'une demande expresse d'un délai supérieur à trente jours, la décision fixant le délai de départ volontaire n'a pas le caractère d'une décision devant être motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979. Dès lors, M. C... ne saurait utilement soutenir que la décision litigieuse est insuffisamment motivée.
14. En deuxième lieu et aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables: (...) / 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".
15. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire dont l'obligation de quitter le territoire français est assortie.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
17. Lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement, comme le prévoit expressément l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'occasion de l'examen de sa demande par l'Office de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, il est entendu de manière utile et effective sur l'ensemble des éléments lui permettant de prétendre à la délivrance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration préfectorale toute observation complémentaire utile concernant la régularité de son séjour, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux et en sollicitant la délivrance d'un titre de séjour à un autre titre que l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
18. M.C..., qui a épuisé les recours internes dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à son séjour en France, notamment la naissance de son enfant issu de son union avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire, avant que n'intervienne l'obligation de quitter le territoire français litigieuse et la décision fixant le délai de départ volontaire, n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit à être entendu qu'il tient notamment de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
19. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru lié par le délai de trente jours et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé à M. C...avant de le fixer à trente jours. Si le requérant soutient qu'il a un enfant né en août 2013 et qu'il vit avec sa conjointe, ressortissante arménienne titulaire d'une carte de séjour temporaire, M. C...ne démontre pas se trouver dans une situation imposant qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une illégalité en ne lui accordant pas un délai plus long.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 septembre 2014 par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC00187