Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, MmeF..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1405691 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 janvier 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 4 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme F...soutient que :
Sur le refus de titre de séjour:
- la décision est insuffisamment motivée dans la mesure où le préfet ne précise pas les éléments de fait qui fondent son rejet sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français:
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la fixation du délai de départ volontaire:
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par le délai d'un mois énoncé par les dispositions du I de l'article L. 511-1 ;
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante algérienne, née le 12 novembre 1975, est entrée en France le 13 janvier 2006. Elle a bénéficié d'un certificat de résidence délivré par le préfet de Charente-Maritime valable du 13 janvier 2006 au 12 janvier 2007. Après une première demande d'admission exceptionnelle rejetée en 2013, elle a, le 30 janvier 2014, sollicité une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour en faisant notamment valoir, à titre principal, qu'elle bénéficiait de promesses d'embauche et, à titre subsidiaire, au titre du pouvoir discrétionnaire dévolu au préfet. Par un arrêté du 4 juillet 2014, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme F...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2014.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien précité : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 dudit accord : " Pour être admis à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour (...) permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ".
3. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Aux termes de l'arrêté contesté, il est énoncé par le préfet de la Moselle que Mme F... " a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 13 février 2014 et qu'à cette occasion, elle a fourni plusieurs demandes d'autorisation de travail pour un salarié étranger émanant de M. C...et de Mmes D...etA... ; que ces contrats ont été soumis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi le 11 mars 2014 ; que le DIRECCTE a émis un avis défavorable aux demandes d'autorisation de travail de MmeF... ". Il ressort ainsi des termes mêmes dudit arrêté que pour opposer une décision de refus à la demande de titre de séjour présentée par MmeF..., le préfet de la Moselle, qui sans autre considération se retranche exclusivement derrière l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, s'est cru lié par l'avis défavorable émis au terme de cette consultation, alors que statuant sur une demande tendant à la régularisation de sa situation et à la délivrance d'une carte de séjour salariée, il lui appartenait, ainsi qu'il a été dit au point 4, d'exercer en propre son pouvoir de régularisation sans d'ailleurs qu'il soit tenu de solliciter l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Ainsi, Mme F...est-elle fondée à soutenir qu'en se retranchant derrière l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le préfet de la Moselle a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché son arrêté d'illégalité.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté litigieux, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Moselle se prononce à nouveau sur la demande de titre de séjour de MmeF.... Il y a ainsi lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer la demande de l'intéressée et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir ladite injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au versement de sommes au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Mme F...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E...de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1405691 du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 juillet 2014 du préfet de la Moselle est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la demande de Mme F...tendant à la délivrance d'un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me E...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouseF..., au préfet de la Moselle et au ministre de l'intérieur.
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