Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1405609 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 8 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B...soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée dans la mesure où le préfet ne précise pas les éléments de fait qui fondent son rejet sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'un enfant étranger malade ;
- le préfet a méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la fixation du délai de départ volontaire :
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par le délai d'un mois énoncé par les dispositions du I de l'article L. 511-1 ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- la décision litigieuse méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante monténégrine, née le 16 mai 1972, est entrée en France le 18 février 2013, selon ses déclarations, et a demandé la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par décision du 29 mai 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 février 2014. Par une décision du 10 juillet 2013, dont la légalité a été confirmée par le tribunal par jugement du 19 novembre 2013, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B...a, par ailleurs, sollicité, le 9 juillet 2013, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'état de santé de son fils Ermin. Par un arrêté du 8 juillet 2014, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2014.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...aurait demandé son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le préfet de la Moselle n'était pas tenu d'examiner d'office son droit au séjour à ce titre, et le moyen tiré de ce que le préfet n'expose pas les éléments de droit et de fait qui l'ont conduit à refuser d'admettre la requérante au séjour à titre exceptionnel doit être écarté comme inopérant. Au surplus, il ressort de l'arrêté contesté que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet a examiné sa situation personnelle et familiale.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
4. Il résulte des termes de l'arrêté du 8 juillet 2014 que le préfet de la Moselle s'est fondé, pour refuser d'admettre Mme B...au séjour, sur l'avis émis le 13 janvier 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine, lequel a estimé que, si l'état de santé du fils de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, que l'état de santé de l'enfant lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, le Monténégro. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Moselle a pris en compte l'ensemble des circonstances de droit et de fait pour apprécier sa situation personnelle, et ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prononcer le refus de titre de séjour contesté.
5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Mme B...fait valoir que son fils Ermin, né le 26 octobre 2010, souffre d'un retard psycho-moteur, d'hypoacousie et d'épilepsie. Toutefois, les certificats médicaux produits par la requérante, émis par un neuropédiatre du centre hospitalier de Forbach le 21 mai 2013, le 14 janvier 2014 et le 29 janvier 2014 et par un pédopsychiatre du centre hospitalier de Sarreguemines le 18 juin 2013 et le 17 avril 2014 se bornent à décrire le trouble dont l'enfant est atteint et la prise en charge dont il fait l'objet et n'indiquent pas qu'un traitement adapté à l'état de santé de cet enfant ne serait pas disponible dans son pays d'origine. La requérante, qui n'était présente en France que depuis dix-sept mois à la date de la décision attaquée, n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un an et où réside notamment son époux. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. La décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il ressort de la décision contestée que le préfet de la Moselle a pris en compte l'ensemble des circonstances de droit et de fait pour apprécier la situation personnelle de Mme B...et ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prononcer l'obligation de quitter le territoire français contestée.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".
9. L'état actuel de santé du fils de MmeB..., qui souffre d'un retard psycho-moteur, ne relève pas de l'exclusion prévue au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il existe une possibilité de disposer d'un traitement et d'un suivi approprié dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru lié par le délai de trente jours et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé à Mme B... avant de le fixer à trente jours. La circonstance que le fils de la requérante souffre, ainsi qu'il a été dit plus haut, d'un retard psycho-moteur, d'hypoacousie et d'épilepsie, affections qui peuvent être prises en charge dans son pays d'origine, n'est pas de nature à justifier l'octroi à l'intéressée d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, la décision contestée, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels elle se fonde et notamment l'appréciation du préfet sur les risques auxquels la requérante serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée.
12. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". MmeB..., qui soutient qu'elle a fait l'objet de persécutions au Monténégro du fait de sa religion musulmane, n'apporte toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, d'élément de nature à établir qu'elle serait personnellement exposée à de tels risques en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 15NC00902