Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 février, 27 novembre et 31 décembre 2014 ainsi que le 22 mars 2016, la société Artélia Eau et Environnement, venant aux droits de la société Sogreah consultants, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision de résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre du 16 avril 2012 ;
3°) d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;
4°) de condamner l'EPAMA à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation de son préjudice lié à l'interruption des relations contractuelles ;
5°) à titre subsidiaire, de condamner l'EPAMA à lui verser la somme de 69 636,15 euros au titre des prestations restées impayées et des préjudices liés à la résiliation ;
6°) de mettre à la charge de l'EPAMA le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande tendant à la reprise des relations contractuelles n'est pas dépourvue d'objet en raison de la date d'échéance normale du marché dans la mesure où la résiliation n'était pas fondée sur les dispositions des articles 23 du cahier des clauses particulières (CCP) et 20 du cahier des clauses administratives générales-prestations intellectuelles (CCAG-PI) qui autorisent le maître d'ouvrage à mettre un terme au marché à l'issue de chaque phase technique ;
- la requête en appel n'est pas tardive ;
- la procédure de règlement des différends prévues par l'article 37 du CCAG-PI n'était pas applicable ; en tout état de cause, les courriers en date des 19 avril, 11 juin et 15 juin 2012 doivent être regardés comme des réclamations préalables ;
- la société Artélia n'a pas été mise à même de présenter des observations et de faire valoir sa défense préalablement à la décision de résiliation du 16 avril 2012 qui était, quant à elle, insuffisamment motivée ;
- le tribunal a commis une erreur en reconnaissant l'existence d'une irrégularité de forme de la décision de résiliation sans en tirer les conséquences sur le droit à indemnisation ;
- aucun manquement à ses obligations contractuelles ne peut lui être imputé dans la mesure où la réalisation du dossier de déclaration de l'implantation des piézomètres n'était pas une prestation incluse dans le marché litigieux et où plusieurs versions du cahier des clauses techniques particulières ont été remises à l'EPAMA avant la mise en demeure ;
- il n'existe aucun motif d'intérêt général susceptible de s'opposer à la poursuite du marché de maîtrise d'oeuvre, laquelle devra être accompagnée d'une indemnité de 18 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-exécution du marché entre la date de résiliation et celle de la reprise des relations contractuelles ;
- à titre subsidiaire, la société Artélia est fondée à obtenir une indemnité qui devra nécessairement couvrir, d'une part, les préjudices subis du fait de la faute commise par l'EPAMA et, d'autre part, la perte supportée du fait de la décision de résiliation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 juin et 18 décembre 2014, l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA), représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la société Artelia Eau et Environnement le versement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête en appel est tardive ;
- la requête tendant à la reprise des relations contractuelles est sans objet dans la mesure où le délai d'exécution de la phase DIA, au cours de laquelle le marché a été résilié, est d'ores et déjà écoulé ;
- la société Artélia Eau et Environnement est forclose faute d'avoir remis une réclamation dans le délai prévu par l'article 37 du CCAG-PI ;
- la mise en demeure ne méconnaît pas le principe du contradictoire dans la mesure où la société Artélia Eau et Environnement a présenté ses observations à de nombreuses reprises ; la décision de résiliation est suffisamment motivée car elle fait référence à la mise en demeure qui exposait clairement les griefs faits à la société appelante ;
- la société Artélia Eau et Environnement a commis une faute grave, d'une part, en refusant d'établir le dossier de déclaration d'implantation des piézomètres alors que cette prestation était à sa charge aux termes des pièces du marché et, d'autre part, en se contentant de remettre un projet non finalisé du cahier des clauses techniques particulières ;
- à supposer même que la décision de résilier soit regardée comme irrégulière en la forme, elle est justifiée sur le fond ce qui empêche l'octroi d'une indemnité de résiliation ;
- une reprise des relations contractuelles porterait gravement atteinte aux droits de la société Egis, qui exécute en ce moment le marché de maîtrise d'oeuvre ;
- à titre subsidiaire, la société Artélia Eau et Environnement n'a droit à aucune indemnité de résiliation en l'absence de faute du maître d'ouvrage ;
- les prestations supposément exécutées à hauteur de 80 % ne correspondent ni au décompte de résiliation ni aux plannings d'exécution.
Par un courrier du 10 mars 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'annulation de la décision de résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre du 16 avril 2012 prise par le président de l'EPAMA.
Par des mémoires enregistrés les 19 avril et 25 mai 2016, l'EPAMA conclut aux mêmes fins que précédemment.
Il soutient en outre que :
- la société Artélia Eau et Environnement n'a droit à aucun paiement au titre des prestations réalisées dès lors qu'elle n'a pas correctement exécuté le marché qui a dû être résilié ;
- elle ne peut prétendre au paiement des factures émises par ses sous-traitants qui font l'objet d'un paiement direct en application de l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- elle n'a droit à être payée des dépenses qu'elle a engagées dans le cadre de sa mission DIA que du 20 décembre 2011, date du dernier acompte qui lui a été versé, au 16 janvier 2012, date de l'ordre de service n° 2 de l'EPAMA ordonnant à la société Sogreah Consultants d'interrompre l'exécution de la mission DIA ;
- les prestations exécutées au cours de cette période sont au nombre de trois et n'ont pas été conformes aux prescriptions du marché.
Par des mémoires enregistrés les 11 mai et 27 mai 2016, la société Artélia Eau et Environnement réévalue ses conclusions tendant à la condamnation de l'EPAMA au titre des prestations restées impayées et des préjudices liés à la résiliation en les ramenant à 64 817,49 euros et celles tendant à la condamnation de l'EPAMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en les portant à 15 089,89 euros ; elle sollicite en outre la condamnation de l'EPAMA à lui payer une somme de 35 euros au titre des frais qu'elle a exposés et compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- elle a droit au paiement des prestations exécutées avant la résiliation ;
- elle admet que la somme de 5 100 euros réclamée n'est pas due, l'EPAMA ayant réglé directement son sous-traitant ;
- l'acompte du 20 décembre 2011 ne couvrait que les prestations exécutées avant le 30 novembre 2011 ; elle peut prétendre au paiement des prestations réalisées avant le 16 janvier 2012 s'agissant de la mission DIA et le 30 mars 2012 s'agissant des études hydrogéologiques ; elle établit la liste détaillée des prestations qui ont été exécutées de façon satisfaisante et qui doivent être payées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tréand, président,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant la société Artélia,
- et les observations de MeB..., représentant l'EPAMA.
1. Considérant que l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA) a passé un marché de maîtrise d'oeuvre le 2 août 2011 avec la société Sogreah Consultants, aux droits de laquelle vient la société Artélia Eau et Environnement, pour la réalisation des travaux d'aménagement de seuils sur la Meuse entre les communes de Brixey-aux-Chanoines et Troyon ; que par courrier du 6 mars 2012, le président de l'EPAMA a mis en demeure la société Artélia Eau et Environnement de lui remettre le dossier administratif de déclaration d'implantation des piézomètres ainsi que le cahier des clauses techniques particulières du marché relatif à la mise en place de la campagne de suivi piézométrique, dans un délai de 15 jours sous peine de résiliation du marché aux torts exclusifs de son cocontractant ; que le marché a été résilié pour faute par une décision du président de l'EPAMA du 16 avril 2012 ; que la société Artélia Eau et Environnement a contesté la validité de cette décision devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que par jugement du 17 décembre 2013, le tribunal a rejeté la requête ; que la société Artélia Eau et Environnement relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité :
En ce qui concerne la requête d'appel :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2013, dont la requérante relève appel, lui a été notifié par le greffe du tribunal administratif par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 23 décembre 2013 ; que cette notification a fait courir le délai de deux mois qui lui était imparti par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative pour interjeter appel ; qu'ainsi la requête d'appel de la société Artélia Eau et Environnement, enregistrée au greffe de la cour le 18 février 2014, n'était pas tardive ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation du marché du 16 avril 2012 :
3. Considérant que les parties à un contrat administratif ne peuvent pas demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat ; que, dès lors, les conclusions de la société Artélia Eau et Environnement tendant à l'annulation de la mesure de résiliation du marché public de maîtrise d'oeuvre conclu avec l'EPAMA doivent être rejetées comme étant irrecevables ;
Sur la validité de la mesure de résiliation :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 32 du CCAG-PI " 32.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants (...) / c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels ; (...) / 32.2 (...), une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une mise en demeure datée du 6 mars 2012 adressée à la société Artélia Eau et Environnement, le président de l'EPAMA a indiqué les manquements reprochés à la société requérante et lui a donné un délai de 15 jours pour produire les documents sollicités en l'informant de la sanction encourue en cas de refus de sa part ; que, quand bien même cette lettre ne l'invitait pas formellement à faire valoir ses observations sur les manquements reprochés, la société requérante les a néanmoins formulées dans un courrier adressé le 9 mars 2012 au maître d'ouvrage, puis lors des échanges téléphoniques des 19 et 27 mars 2012 et, enfin, dans un courriel du 29 mars 2012 ; qu'ainsi, dès lors que la société Artélia Eau et Environnement a eu la possibilité de faire valoir utilement ses observations, la circonstance qu'elle n'ait pas été invitée formellement à le faire dans la mise en demeure n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) - infligent une sanction (...) " ; que l'article 3 de la même loi dispose que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
7. Considérant que si la décision de résiliation du marché du 16 avril 2012 est suffisamment motivée en droit, elle ne précise pas les griefs reprochés à la société Artélia Eau et Environnement et se borne à faire référence à la mise en demeure du 6 mars 2012 ; que l'auteur de l'acte ne s'est pas approprié le contenu de cette mise en demeure et n'a pas joint celle-ci à la décision du 16 avril 2012 ; qu'ainsi, la décision du 16 avril 2012 est insuffisamment motivée en fait au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable ; que, par suite, la décision de résiliation est irrégulière en la forme et a privé la société Artélia Eau et Environnement d'une garantie ;
8. Considérant, en dernier lieu, que l'article 1.3 du cahier des clauses particulières (CPP) du marché, qui fixe les éléments de mission dévolus au titulaire du marché, mentionne au nombre des " éléments de mission complémentaire faisant l'objet d'une rémunération et décrite dans l'annexe technique jointe : (...) - Les études et dossiers réglementaires " ; que l'article 3.1 du programme d'opération, qui a valeur contractuelle en application de l'article 2 du CCP, indique que : " Concernant les contraintes réglementaires, le maître d'oeuvre devra produire l'ensemble des dossiers nécessaires aux déclarations ou à l'obtention des autorisations administratives et devra apporter une assistance aux maîtres d'ouvrages pendant toute la durée de leurs instructions, y compris lors des phases d'enquêtes publiques. Il s'agit d'une des missions complémentaires qui seront attribuées au maître d'oeuvre (Annexe technique/paragraphe 5.4) " ; que l'article 5.4 de l'annexe technique au programme d'opération stipule que : " Les contraintes règlementaires susceptibles de s'appliquer au projet sont présentées en partie 3.2 du programme d'opération (...). Les dossiers doivent être conformes aux législations et règlementations, dans leur forme et dans leur contenu. Pour ce faire le prestataire identifie et réalise les études complémentaires éventuellement nécessaires à la constitution de ces dossiers. Cette mission est définie comme mission complémentaire (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations, qui visent les dossiers nécessaires aux déclarations et aux autorisations administratives, que le dossier de déclaration d'un piézomètre devait être réalisé par le maître d'oeuvre au titre de sa mission complémentaire " études et dossiers règlementaires " ; que la rémunération de cette prestation complémentaire a été prévue à l'annexe 1 de l'acte d'engagement et s'élevait à 16 000 euros ; qu'en conséquence, la société Artélia Eau et Environnement doit être regardée comme ayant refusé d'exécuter une mission contractuellement définie dans le programme d'opération et dans son annexe technique pour laquelle un forfait de rémunération était prévu dans l'acte d'engagement ; que, par suite, la société requérante, qui ne pouvait légitimement solliciter la conclusion d'un avenant, ne s'est pas acquittée de ses obligations contractuelles ; que cette faute justifiait à elle seule que l'EPAMA résilie le marché litigieux en application du c) de l'article 36 du CCAG-PI, et ceci sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de l'autre grief fait à la société appelante, à savoir le retard dans la réalisation du cahier des clauses techniques particulières du marché relatif à la mise en place de la campagne de suivi piézométrique ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision de résiliation par laquelle il a été mis fin au marché litigieux est entachée d'un vice de légalité externe, mais est justifiée au fond ;
Sur les conséquences de la résiliation :
11. Considérant qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ;
12. Considérant que, pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales - prestations intellectuelles (CCAG-PI) : " Lorsque les prestations sont scindées en plusieurs parties techniques à exécuter distinctement, le pouvoir adjudicateur peut décider, au terme de chacune de ces parties, soit de sa propre initiative, soit à la demande du titulaire, de ne pas poursuivre l'exécution des prestations, dès lors que les deux conditions suivantes sont remplies : - les documents particuliers du marché prévoient expressément cette possibilité - chacune de ces parties techniques est clairement identifiée et assortie d'un montant " ; que l'EPAMA se prévaut de ces dispositions pour soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions susvisées de la société requérante, en faisant valoir que l'article 3 de l'acte d'engagement fixant le délai d'exécution de la mission DIA à 24 semaines et le prix particulier de cette prestation à 148 555 euros HT, les conditions posées par l'article 20 du CCAG-PI étaient remplies et qu'il aurait été en droit de mettre fin de sa propre initiative à l'exécution du marché une fois exécutée cette phase technique, ce qu'il aurait d'ailleurs fait s'il n'avait pas résilié le marché pour faute en application de l'article 32 du même cahier ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EPAMA n'a pas fait usage des pouvoirs qu'il tient de l'article 20 du cahier précité pour décider l'arrêt de l'exécution des prestations dont s'agit puisqu'il a en a confié l'exécution à la société Egis avec laquelle il a conclu un marché de substitution et dont il n'est pas établi qu'il serait entièrement exécuté ; que, par suite, les conclusions de la société Artélia Eau et Environnement tendant à la reprise des relations contractuelles ne sont pas dépourvues d'objet ;
15. Considérant, cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le seul vice affectant la décision de résiliation tient à sa motivation insuffisante ; que dans ces conditions, eu égard à la gravité du manquement de la société Artélia Eau et Environnement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l'EPAMA à lui payer une indemnité de 18 000 euros au titre de la non-exécution du contrat entre la date de la résiliation et la date de reprise du contrat ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
16. Considérant, en premier lieu, que la société Artélia Eau et Environnement demande à l'EPAMA le paiement des sommes de 19 843,40 euros au titre de son manque à gagner et de 10 000 euros au titre de la perte d'image et des frais de procédure précontentieuse ; que si la résiliation du contrat litigieux est irrégulière en la forme, elle est justifiée au fond ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EPAMA, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la résiliation du marché litigieux et qui ne sont pas en lien avec le seul vice de forme entachant la décision de résiliation du 16 avril 2012 ;
17. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34.1 du CCAG-PI applicable au marché litigieux : " 34.1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 37 du même cahier : " Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. " ;
18. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le décompte de résiliation du marché a été notifié par le maître d'ouvrage à la société Artélia Eau et Environnement le 15 mai 2012 ; que les conclusions de cette dernière tendant à la contestation de ce décompte et relatives au règlement des sommes qu'elle estimait lui être dues à ce titre ont été présentées par une lettre de réclamation datée du 11 juin 2012, soit dans le délai de deux mois imposé par les dispositions précitées de l'article 37 du CCAG-PI ; que, par suite, la société Artélia Eau et Environnement était recevable à demander au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la condamnation de l'EPAMA à lui régler le solde du marché ;
19. Considérant, d'autre part, que le décompte de résiliation qu'a transmis l'EPAMA à la société Artélia Eau et Environnement le 15 mai 2012 laissait apparaître, avant application des pénalités, un solde positif de 171,36 euros HT ; que la société Artélia Eau et Environnement a alors réclamé le paiement des prestations réalisées et non payées ; qu'en appel, elle a sollicité, à ce titre, le paiement d'une somme de 39 792,75 euros se décomposant, au titre de la mission DIA, en une somme de 20 000 euros correspondant à des prestations qu'elle a elle-même réalisées et en deux factures émanant de sociétés sous-traitantes pour des montants de 9 220,75 euros et 5 472 euros et, au titre des études hydrogéologiques, en une facture de 5 100 euros ;
20. Considérant que la société appelante admet que l'EPAMA a réglé directement la somme de 5 763,12 euros TTC à son sous-traitant Free Cadre et que, par conséquent, la somme de 5 100 euros réclamée n'est plus due ; que, par suite, elle n'est pas fondée à réclamer le paiement d'autres prestations relatives à la réalisation d'études hydrogéologiques pour lesquelles elle n'a sollicité le paiement d'aucune autre somme ;
21. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'EPAMA, la société Artélia Eau et Environnement a droit à être payée des dépenses qu'elle a engagées dans le cadre de sa mission DIA, sous réserve que les prestations fournies aient été conformes aux prescriptions du marché, du 1er décembre 2011 au 26 janvier 2012, date de réception de l'ordre de service n° 2 de l'EPAMA daté du 16 janvier 2012 et ordonnant à la société Sogreah Consultants d'interrompre l'exécution de la mission DIA, l'acompte versé le 20 décembre 2011 couvrant les prestations réalisées jusqu'au 30 novembre précédent ; que la société appelante produit une liste précise des prestations qu'elle a réalisées au cours de cette période ; qu'en admettant même que les deux factures des sociétés sous-traitantes Biotope et P. Paris d'un montant respectif de 9 220,75 euros et 5 472 euros n'aient pas fait l'objet d'un paiement direct dans la mesure où les sous-traitants n'ont pas été acceptés et leurs conditions de paiement agréées par le maître d'ouvrage en application des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée, la société Artélia Eau et Environnement n'établit ni même n'allègue que lesdites factures correspondraient à des prestations relatives à l'exécution du marché résilié et qu'elle les aurait elle-même réglées ; qu'en revanche, il n'est pas sérieusement contesté que, du 1er décembre 2011 au 26 janvier 2012, la société Artélia Eau et Environnement a réalisé des rapports et participé à des réunions de travail quand bien même la seconde version du rapport diagnostic n'aurait pas été pleinement satisfaisante ; que, par ailleurs, la somme de 20 000 euros qu'elle réclame au titre des prestations qu'elle a elle-même exécutées, qui représente 80 % du montant prévu au marché pour la mission DIA, correspond au déroulement temporel normal de cette mission au regard du planning contractuellement défini ; que la société appelante est donc fondée à demander le paiement de cette somme au titre des prestations réalisées à la date de la résiliation et non payées quand bien même elle n'aurait pas mené à terme la mission DIA ;
22. Considérant qu'aux termes de l'article 25 du CCP : " si le présent marché est résilié dans l'un des cas prévus aux articles 30 et 32 du CCAG-PI, la fraction des prestations déjà accomplie par le maître d'oeuvre et acceptée par le maître de l'ouvrage est rémunérée avec un abattement de 10 % " ; que les prestations accomplies avant la résiliation par le titulaire du marché et dont il n'est pas démontré qu'elles n'auraient pas dû être acceptées par l'EPAMA s'élevaient à 94 096,25 euros, somme versée par l'EPAMA au titre de l'acompte n° 1, à laquelle s'ajoutent le montant de la facture payée directement à Free Cadre soit 5 763,12 euros et la somme de 20 000 euros mentionnée au point 21 ; que, par suite, il y a lieu de soustraire la somme de 11 985,94 euros au titre des pénalités à la somme due à la société Artélia Eau et Environnement au titre des prestations impayées ;
23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme dont est redevable l'EPAMA envers la société Artélia s'établit à 8 014,06 euros ; que la société Artélia Eau et Environnement est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents à lui verser une somme en paiement des prestations qu'elle avait réalisées avant la résiliation du marché ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
24. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Artélia Eau et Environnement et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, la société appelante ne peut prétendre à la condamnation de l'EPAMA à lui verser une somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, l'article R. 411-2 du code de justice administrative ayant été abrogé à compter du 1er janvier 2014 soit antérieurement à l'enregistrement de sa requête d'appel ;
25. Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'EPAMA, partie perdante, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Artélia Eau et Environnement tendant à la condamnation de l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents à lui verser une somme en paiement des prestations qu'elle avait réalisées avant la résiliation du marché.
Article 2 : L'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents est condamné à verser la somme de 8 014,06 euros (huit mille quatorze euros et six centimes) à la société Artélia Eau et Environnement.
Article 3 : L'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents versera à la société Artélia Eau et Environnement la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions de l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Artélia Eau et Environnement et à l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents.
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N° 14NC00335