Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2017, Mme B...F...épouseE..., Mme A...E..., M. H...E...et M. G...E..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1702022, 1702024, 1702025 et 1702026 du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler les arrêtés du 4 juillet 2017 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Les consorts E...soutiennent que :
- les arrêtés sont entachés d'incompétence, en l'absence de délégation de signature ;
- les obligations de quitter le territoire français ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de M. G... E... ;
- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions relatives au délai de départ volontaire méconnaissent les articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, seuls applicables du fait de la contrariété du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par rapport à leurs objectifs, dès lors que : le préfet n'a pas motivé sa décision de ne pas déroger au délai de départ volontaire prévu par la directive ; il a commis une erreur de droit en se bornant à retenir le délai de départ volontaire fixé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner les circonstances propres à chacune de leurs situations, comme l'exige la directive ; le délai qu'il leur a accordé n'est pas approprié ;
- ils n'ont pas été mis à même de présenter des observations sur le délai de départ volontaire en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- et les observations de MeD..., substituant MeC..., pour les consortsE....
Considérant ce qui suit :
1. M. G...E..., son épouse Mme B...F...et leurs deux enfants majeurs, M. H...E...et Mme A...E..., ressortissants arméniens, sont entrés irrégulièrement en France en février 2011. Ils ont d'abord sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile, puis de leurs attaches privées et familiales et au titre du travail. Leurs demandes d'asile ont été rejetées et le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a, le 12 novembre 2012 et à plusieurs reprises ensuite, opposé des refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, confirmés par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nancy chaque fois qu'ils ont été contestés. En novembre 2016, janvier et février 2017, les consorts E...ont présenté de nouvelles demandes d'admission au séjour en se prévalant de leur situation personnelle et familiale. Par des arrêtés du 4 juillet 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a de nouveau refusé un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office à l'expiration de ce délai.
2. Les consorts E...relèvent appel, chacun pour ce qui le concerne, du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle :
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 14 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par les consortsE.... Il n'y a donc plus lieu de statuer sur leurs conclusions tendant à ce que la cour leur accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur l'étendue du litige :
4. Il ressort des pièces du dossier qu'en cours d'instance, M. H...E...s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". En délivrant ce titre de séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, implicitement mais nécessairement, abrogé la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé. Dès lors, le litige relatif à l'arrêté du 4 juillet 2017 pris à l'encontre de M. H...E...a perdu son objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur le jugement attaqué en tant qu'il concerne ce dernier.
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
5. En premier lieu, les requérants reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance, tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués, du défaut de motivation des obligations de quitter le territoire français, de la contrariété des dispositions de droit interne fixant le délai de départ volontaire avec les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, du défaut de motivation des décisions relatives au délai de départ volontaire, de l'absence de procédure contradictoire et de la violation de leur droit à être entendus préalablement à l'édiction des décisions relatives au délai de départ volontaire, ainsi que de l'erreur de droit commise par le préfet en se bornant à retenir le délai de départ volontaire fixé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner les circonstances propres à chacune de leurs situations.
6. Pour chacun de ces moyens, les requérants reproduisent à l'identique l'argumentation qu'ils avaient développée devant le tribunal administratif, sans présenter le moindre élément de fait ou de droit nouveau. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
8. D'une part, dès lors qu'ils invoquent uniquement l'état de santé de M. G...E..., les trois autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 précité en ce qui les concerne.
9. D'autre part, si les pièces médicales produites devant le tribunal indiquent que M. G... E...souffre de plusieurs affections, dont une hypertension artérielle et un syndrome anxio-dépressif sévère nécessitant une prise en charge médicale, dont le préfet ne conteste pas que le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas de ces pièces, ni des autres pièces du dossier, et n'est d'ailleurs même pas allégué, que l'intéressé ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dès lors, M. G...E...n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 précité en l'obligeant à quitter le territoire français.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
11. Bien qu'ils soient présents en France depuis février 2011, les requérants n'y justifient d'aucune intégration particulière, ni d'aucune attache personnelle ou familiale, hormis M. H... E..., qui a épousé une ressortissante française le 23 juin 2017. Toutefois, ce dernier est majeur et la nouvelle cellule familiale qu'il a créée avec son épouse ne suffit pas à conférer à ses parents ou à sa soeur, également majeure, un lien familial suffisant pour justifier qu'ils bénéficient d'un titre de séjour en France. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants soient dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ou en Russie, où ils sont légalement admissibles. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a décidé de les obliger à quitter le territoire français.
12. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité, de ce qu'ils ne pouvaient faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'ils pouvaient prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, et à plus forte raison, de ce que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des requérants, ne peuvent qu'être écartés.
13. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir, sans autre précision, qu'un retour en Arménie les exposerait à des risques de traitements dégradants ou inhumains contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants ne mettent pas la cour à même d'apprécier le bien-fondé de leur moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article, soulevé à l'encontre des décisions fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire, ainsi que sur le jugement attaqué en tant qu'il porte sur l'arrêté du 4 juillet 2017 pris à l'encontre de M. H... E....
Article 2 : Le surplus des conclusions des requérants est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E..., Mme B...F..., M. H... E...et Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02955