Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2018, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802297 du 20 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte, et, en tout état de cause, de lui restituer son passeport ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C...soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- en sa qualité d'accompagnante de son époux malade, elle peut bénéficier par ricochet des dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet s'est, à tort, cru tenu de prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français, alors qu'une circonstance humanitaire propre à sa situation y faisait obstacle ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- et les observations de MeA..., pour MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C..., ressortissante arménienne née en 1993, est entrée irrégulièrement en France le 4 mars 2014 selon ses déclarations. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été rejetées, en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 novembre 2016. A la suite d'un contrôle d'identité le 8 avril 2018, le préfet de la Moselle, par un arrêté du même jour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et a ordonné son assignation à résidence.
2. Mme C...relève appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante, notamment au regard de la situation de son époux, qu'il mentionne expressément dans son arrêté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
5. Mme C...ne peut pas utilement se prévaloir de ces dispositions, qui par elles-mêmes ne font obstacle qu'à l'éloignement de l'étranger qui en remplit les conditions, et non à celui des tiers qui accompagnent cet étranger.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. La seule présence en France depuis quatre ans de la requérante, de son époux et de leurs enfants, dont aucun n'est admis au séjour, ne suffit pas à établir qu'elle a tissé des liens personnels ou familiaux intenses, stables et anciens. En outre, il n'est pas allégué que la cellule familiale de la requérante ne pourrait pas être reconstituée dans son pays d'origine, ni qu'elle y serait dépourvue de toute attache. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il l'a obligée à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'obligation de quitter le territoire français en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de la requérante de ses parents, qui ne sont pas admis au séjour, ni de leur interdire de poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) III - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".
11. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit abstenu d'examiner si la situation de la requérante comportait des circonstances humanitaires pouvant justifier qu'il ne prononce pas d'interdiction de retour. D'autre part, les circonstances dont se prévaut MmeC..., relatives à ses attaches en France et à l'état de santé de son époux, ne constituent pas des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées.
12. En sixième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 7 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC02994