Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2015, la SCEA Saint Guillaume, représentée par la SELAS Devarenne Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400829 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande de M. D...C... ;
3°) de mettre à la charge de M. D...C...la somme de 2 000 euros à verser à la SCEA Saint Guillaume au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance de M. C...est irrecevable, la décision attaquée étant indivisible ;
- les demandes concurrentes ne peuvent être classées par ordre croissant de surface initialement cultivée par unité de travail humain, M. C...n'exploitant aucune terre ;
- la demande de M. C...ne relevait pas de la priorité n° 1 définie par le schéma directeur départemental des structures agricoles du département de la Marne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a indiqué que cette requête n'appelait aucune observation de sa part et a communiqué des pièces à la cour le 10 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour la SCEA Saint Guillaume.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 5 février 2014, le préfet de la Marne a accordé à M. D...C...l'autorisation d'exploiter 73 ha 06 a 68 ca sur les communes de Saint-Ouen-Domprot, Breban et Corbeil et a également accordé à la SCEA Saint-Guillaume l'autorisation de reprendre ces mêmes terres. La SCEA Saint-Guillaume relève appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé, à la demande de M.C..., l'arrêté du 5 février 2014 en tant qu'il autorise, en son article 2, la SCEA Saint-Guillaume à reprendre les 73 ha 06 a 68 ca sur les communes de Saint-Ouen-Domprot, Breban et Corbeil.
Sur la recevabilité des conclusions de la demande de première instance :
2. Le juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un tout indivisible est tenu de rejeter ces conclusions comme irrecevables, quels que soient les moyens invoqués contre la décision attaquée.
3. La SCEA Saint-Guillaume soutient que l'arrêté litigieux présente un caractère indivisible du fait de la nécessité pour le préfet de la Marne de classer les demandes concurrentes l'une par rapport à l'autre selon les priorités définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles du département de la Marne. Touefois, la décision contestée répond à deux demandes d'autorisation d'exploiter, l'une émanant de la SCEA Saint Guillaume et l'autre de M. D...C...et comporte deux décisions distinctes correspondant à chacune des demandes, bien qu'elle vérifie, en application des critères notamment du schéma directeur départemental des structures agricoles, le degré de priorité de chaque demande par rapport à l'autre. Ainsi, l'arrêté contesté ne comporte pas un caractère indivisible. En conséquence, M. D...C...pouvait, devant le tribunal administratif, demander l'annulation de cet arrêté, seulement en tant qu'il accordait également l'autorisation d'exploiter à la SCEA Saint Guillaume.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur.
6. Aux termes de l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Marne : " Les autorisations d'exploiter sont accordées selon l'ordre de priorité suivant : / 1° installation aidée d'un jeune agriculteur dans le cadre familial après réalisation d'un plan de développement d'exploitation ou consolidation de l'installation dans le cadre familial d'un jeune agriculteur dont la structure a une surface inférieure à une unité de référence (UR) ou installation aidée d'un jeune agriculteur hors cadre familial après réalisation d'un plan de développement d'exploitation. (...) Les demandes concurrentes relevant des différents points d'une même priorité seront classées par ordre croissant de surface initialement cultivée par UTH ".
7. Le 7 août 2013, la SCEA Saint-Guillaume a déposé une demande d'autorisation d'exploiter 73 ha 6 a 68 ca dans le département de la Marne. Le 8 octobre 2013, M. D... C... a également déposé une demande portant sur les mêmes terres. Par l'arrêté contesté, le préfet a regardé la demande de la SCEA Saint Guillaume comme ayant pour objet l'installation d'un jeune agriculteur ayant réalisé un plan d'exploitation et la demande de M. C... comme permettant la consolidation d'une installation dans le cadre familial. Il a alors considéré que ces deux demandes relevaient de la priorité n° 1 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Marne et a classé à égalité ces deux demandes concurrentes pour le motif que les surfaces dont l'exploitation était demandée étaient égales.
8. Il ressort des pièces du dossier que la SCEA Saint Guillaume composée de M. B... A..., associé exploitant et de son épouse, associé non exploitant, a déposé sa demande d'autorisation en vue de l'installation de M. B...F...A..., leur fils. M. B... A...avait indiqué qu'il abandonnerait toute exploitation dès l'installation de son fils et que la SCEA serait alors composée de M. B...F...A...en tant qu'associé exploitant et de son père en tant qu'associé non exploitant. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration ainsi d'ailleurs que par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, ont regardé la demande de la SCEA Saint Guillaume comme ayant en réalité pour objet l'installation de M. B...F...A...en tant que jeune agriculteur.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B...F...A..., âgé de vingt ans, possédait la formation nécessaire à son installation, avait antérieurement à sa demande conclu un plan de développement d'exploitation et avait obtenu des décisions d'accord d'aides financières. Ainsi, comme l'a estimé le préfet, sa demande entrait dans la priorité de premier rang du schéma directeur départemental des structures agricoles relative à l'installation aidée d'un jeune agriculteur dans le cadre familial après réalisation d'un plan de développement d'exploitation.
10. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, que M. D...C...n'était pas encore installé à la date de la décision contestée, mais entendait seulement succéder à son père. En conséquence, c'est à tort que le préfet a analysé sa demande comme formant partie du 1er rang de priorité au titre de la consolidation d'une installation. Au surplus, M.C..., âgé de vingt ans et qui entendait s'installer comme jeune agriculteur en reprenant les terres exploitées par son père, n'avait pas validé de plan de développement d'exploitation qu'il n'avait pas même eu le temps de commencer à élaborer avant la décision contestée. Il n'avait pas davantage demandé d'aides à cette date. Ainsi, il ne relevait pas davantage de la priorité n° 1 du schéma directeur départemental des structures agricoles au titre de l'installation aidée d'un jeune agriculteur. Dans ses conditions, c'est à tort que la candidature de M. C...qui ne remplissait aucune des hypothèses figurant dans le premier rang de priorité par le schéma départemental, a été placé par le préfet au même rang de priorité que la demande de la SCEA Saint Guillaume. En conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les deux demandeurs relevaient du même rang de priorité et qu'il convenait de les départager par les surfaces exploitées à l'origine pour décider que seul M. C...pouvait être titulaire de l'autorisation d'exploiter les terres en litige.
11. Il résulte de ce qui précède que la SCEA Saint-Guillaume est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 4 février 2014 en tant qu'il lui a accordé l'autorisation d'exploiter sollicitée.
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SCEA Saint-Guillaume tendant à ce que soit mis à la charge de M. C...une somme à lui verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mai 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la SCEA Saint-Guillaume tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Saint-Guillaume, à M. D... C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
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N° 15NC01216