Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2016, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et pendant l'instruction de son dossier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- le refus de titre de séjour est fondé sur un avis médical pris par une autorité incompétente ;
- il méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet s'est estimé lié par l'avis médical ;
- il méconnaît l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée alors que l'article 6 de la directive n° 2008/115/CE laisse à l'autorité compétente de l'Etat membre un large pouvoir d'appréciation ; il n'a pas examiné si cette décision n'aurait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 alinéa 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante arménienne, interjette appel du jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 octobre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, a prononcé une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la compétence :
2. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 20 août 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 23 août suivant, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné à M. Raffy, secrétaire général de la préfecture, une délégation de signature à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
4. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision de refus de titre de séjour litigieuse, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru en situation de compétence liée au regard de l'avis rendu le 20 décembre 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé, avis dont il s'est approprié les termes. En outre, l'intéressée ayant levé le secret médical, le préfet a, après avoir reçu l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, interrogé les autorités consulaires françaises d'Arménie sur l'existence de traitements appropriés à la pathologie de Mme C...dans son pays d'origine et pris sa décision le 9 octobre 2014. La requérante n'établit pas que le préfet n'aurait pas vérifié l'ensemble des conditions requises par les dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
6. Il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 20 décembre 2013 que si l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié en Arménie pour sa prise en charge médicale. Comme en première instance, la requérante, qui ne conteste pas l'existence de traitements médicamenteux et de possibilités de kinésithérapie, fait valoir, en produisant un certificat médical établi dans son pays d'origine, que son état de santé nécessite une intervention chirurgicale dont elle ne pourra pas bénéficier en Arménie. Toutefois, cet élément ne suffit pas à remettre en cause l'avis du médecin régionale de santé alors au surplus qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'une attestation du 22 avril 2014 de l'hôpital universitaire de Strasbourg, que l'intervention chirurgicale ne peut être envisagée dans la mesure où elle présenterait des risques trop importants, notamment de paraplégie et d'hémorragie, pour un bénéfice très limité. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision contestée au regard des dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit :(...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme C...fait valoir de façon générale et sans autres précisions qu'elle fait des efforts d'intégration importants et que le préfet n'a pas tenu compte de l'ensemble de ces éléments. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a déclaré être entrée irrégulièrement sur le territoire national le 22 août 2012 à l'âge de 26 ans, qu'elle est célibataire et sans enfants et n'apporte aucun élément de nature à établir des liens personnels et familiaux en France. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles il a été pris. Il s'ensuit que les moyens tirés pour les mêmes considérations de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. La requérante soutient qu'il résulte de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 et des objectifs qu'elle poursuit, que l'autorité compétente de l'État membre dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle prend une décision de retour d'un ressortissant étranger. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que lorsqu'il a statué sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Moselle se serait estimé lié par la décision portant refus de titre de séjour et n'aurait pas examiné les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet s'est cru en situation de compétence liée et a entaché ses décisions d'une erreur de droit.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante.
12. Mme C...soutient, par les mêmes arguments que pour le refus de titre de séjour, que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 alinéa 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute pour elle d'avoir un accès effectif aux soins dans le pays de renvoi et que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences excessives pour elle de l'éloignement du territoire. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles mentionnées à propos du refus de titre de séjour.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
14. L'arrêté contesté vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que Mme C... n'a pas démontré que sa vie ou sa liberté serait menacée si elle était éloignée à destination de son pays. Ainsi, il est suffisamment motivé en droit et en fait.
15. Aux termes de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. MmeC..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, fait valoir qu'elle court des risques en cas de retour dans son pays d'origine où elle indique avoir été persécutée en raison de l'appartenance de son père à un groupe d'opposition. Cependant, si elle produit un certificat médical faisant état de séquelles, elle ne produit aucun élément de nature à en démontrer l'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit en tout état de cause être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC00343